uteur de ce dernier drame, M.
Giacometti, ne doit pas avoir la pretention d'egaler Shakespeare. Son
oeuvre, au fond, est meme mediocre, malgre la belle nullite de la
formule. Seulement, elle est de mon temps, elle s'agite dans l'air que
je respire, elle me touche comme une histoire qui arriverait a mon
voisin. Je prefere la vie a l'art, je l'ai dit souvent. Un chef-d'oeuvre
glace par les siecles n'est en somme qu'un beau mort.
IV
Je me souviens d'avoir assiste a la premiere representation de
l'_Idole_. On comptait peu sur la piece, on etait venu au theatre avec
defiance. Et l'oeuvre, en effet, avait une valeur bien mediocre. Les
premiers actes surtout etaient d'un ennui mortel, mal batis, coupes
d'episodes facheux. Cependant, vers la fin, un grand succes se dessina.
On put etudier, en cette occasion, la toute-puissance d'une artiste de
talent sur le public. Madame Rousseil, non seulement sauva l'oeuvre
d'une chute certaine, mais encore lui donna un grand eclat.
Elle s'etait menagee pendant les premiers actes, montrant une froideur
calculee; puis, au quatrieme acte, sa passion eclata avec une fougue
superbe qui enleva la foule. Je me rappelle encore l'ovation qu'on lui
fit. Elle etait meritee, tout le succes lui etait du. Des difficultes
s'eleverent, je crois, entre les acteurs et le directeur, et la piece
disparut de l'affiche, mais j'aurais ete etonne si elle avait fait de
l'argent, comme je le serais encore si elle en faisait aujourd'hui. Elle
n'est vraiment pas assez d'aplomb; madame Rousseil, malgre ses fortes
epaules, ne saurait la tenir longtemps debout. Il y aurait toute une
etude a ecrire a propos de ces succes personnels des artistes, qui
trompent souvent le public sur le merite veritable d'une oeuvre. Ce qui
est consolant pour la dignite des lettres, c'est qu'une oeuvre ainsi
soutenue par le talent d'un artiste, n'a jamais qu'une vogue temporaire,
et qu'elle disparait fatalement avec son interprete.
J'ai egalement assiste a la premiere representation de _Froufrou_, bien
que je ne fisse pas alors de critique dramatique. Desclee se trouvait
dans tout son triomphe de grande artiste. Ici, l'oeuvre etait une
peinture charmante d'un coin de notre societe; les premiers actes
surtout offraient les details d'une observation tres fine et tres vraie;
j'aimais moins la fin qui tournait au larmoyant. Cette pauvre Froufrou
etait en verite trop punie; cela serrait inutilement le coeur et
terminait cette serie de
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