puisque l'Italie tout entiere a applaudi la piece.
Mais je m'arrete, car j'enfourche la mon dada, et c'est de Salvini
surtout dont je veux parler. Je me mefiais beaucoup des acteurs
italiens, je me les imaginais d'une exuberance folle. Aussi quel a ete
mon etonnement, lorsque j'ai constate que le grand talent de Salvini est
tout de mesure, de finesse, d'analyse. Il n'a pas un geste inutile, pas
un eclat de voix qui detonne. Au premier aspect, il serait plutot gris,
et il faut attendre pour etre empoigne par ce jeu si simple, si savant
et si fort.
Je citerai quelques exemples. Son entree de forcat fugitif, d'homme
humble et souffrant, inquiet et torture, est merveilleuse. Mais ce qui
m'a plus frappe encore, c'est la facon dont il dit le long recit de son
evasion. Tout d'un coup, au milieu de l'allure dramatique de la scene,
c'est un coin de comedie qui s'ouvre. Il baisse la voix, comme si l'on
pouvait l'entendre; il dit le recit sur le meme ton voile, en s'animant
pourtant, en finissant par rire d'avoir si bien trompe les gardiens.
Nous n'avons pas un seul acteur de drame en France qui aurait
l'intelligence d'effacer ainsi sa voix. Tous raconteraient leur fuite en
roulant les yeux et en faisant les grands bras. L'impression que produit
Salvini par la simplicite de son jeu est prodigieuse en cette occasion.
Il me faudrait citer toutes les scenes. Dans la conversation qu'il a
avec le docteur, et plus tard dans la scene avec Rosalie, lorsqu'il
laisse tomber sa tete sur la poitrine de cette femme qu'il aime tant et
qu'il va perdre, il arrive aux plus larges effets du pathetique. Je ne
voudrais etre desagreable pour personne, mais puisque j'ai compare la
_Mort civile_ a _Une Cause celebre_, je puis bien rapprocher Salvini de
Dumaine. Il faut voir le premier pour comprendre combien le second crie
et se demene inutilement. Tout le jeu de Dumaine, dans Jean Renaud,
devient faux et penible, a cote du jeu si souple et si vrai de Salvini.
Celui-ci a etudie l'ame humaine, il en analyse les nuances, il est un
homme qui pleure.
Mais ou il a ete superbe surtout, c'est au dernier acte, lorsqu'il
meurt. Je n'ai jamais vu mourir personne ainsi au theatre. Salvini
gradue ses derniers moments de moribond avec une telle verite, qu'il
terrifie la salle. Il est vraiment un mourant, avec ses yeux qui
se voilent, sa face qui blemit et se decompose, ses membres qui se
raidissent. Lorsque Emma, sur la demande de Rosalie, s'approche et
l'ap
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