e chez ses cousines.
Charles, entrant:--Me voici, Juliette! J'ai une faim terrible! Mais j'ai
bien fait d'y aller. Je te raconterai ca quand j'aurai mange."
Marianne embrassa Charles avant qu'il commencat son repas. Juliette
quitta son fauteuil, marcha a tatons vers lui, et, lui prenant la tete
dans ses mains, elle lui baisa le front a plusieurs reprises.
Charles, mangeant:--Merci, Juliette, merci; tu es contente de moi! Ce
que j'ai fait n'etait pourtant pas difficile. Cette malheureuse femme
fait pitie!
Juliette:--Pitie et horreur! Cet amour de l'or est revoltant! J'aimerais
mieux mendier mon pain que me trouver riche et m'attacher ainsi a mes
richesses.
Marianne:--Malheur aux riches! a dit Notre-Seigneur; aux riches qui
aiment leurs richesses! C'est la le mal et le malheur! C'est d'aimer cet
or inutile! C'est d'en etre avare! de ne pas donner son superflu a ceux
qui n'ont pas le necessaire!
Charles, mangeant:--Si jamais je deviens riche, je donnerai tout ce qui
ne me sera pas absolument necessaire.
Juliette:--Et comment feras-tu pour reconnaitre ce qui n'est pas
absolument necessaire?
Charles, mangeant:--Tiens; ce n'est pas difficile! Si j'ai une
redingote, je n'ai pas besoin d'en avoir une seconde! Si j'ai une salle
et une chambre je n'ai pas besoin d'en avoir davantage. Si j'ai un diner
a ma faim, je n'ai pas besoin d'avoir dix autres plats pour me faire
mourir d'indigestion. Et ainsi de tout.
Juliette:--Tu as bien raison. Si tous les riches faisaient comme tu dis,
et si tous les pauvres voulaient bien travailler, il n'y aurait pas
beaucoup de pauvres.
Charles:--Marianne, a present que nous sommes riches, vous n'irez plus
en journee comme auparavant.
Marianne:--Tout de meme, mon ami; n'avons-nous pas nos dettes a
acquitter! Et je ne veux pas les payer sur la fortune de mes parents,
dont Juliette aura besoin si je viens a lui manquer. Encore cinq annees
de travail, et nous serons liberees.
Charles:--Marianne, je vous en prie, payez avec mon argent! J'en ai bien
plus qu'il ne nous en faut! Pensez donc, deux mille cinq cents francs
par an!
Marianne:--Ni toi ni moi, nous n'avons le droit de faire des generosites
avec ta fortune, Charlot; toi, tu es un enfant, et moi, je vais etre ta
tutrice: je dois donc faire pour le mieux pour toi et non pour moi."
Charles ne dit plus rien. Il s'assit pres de Juliette: et arrangea avec
elle l'emploi de leurs journees.
Juliette:--D'abord tu me meneras
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