spectacle, --mon
pere, fait inoui, entra au Cafe des Navigateurs. Je tournais le dos a
la porte: par consequent je ne pouvais l'apercevoir que dans la
glace. Or, ce fut le visage de Martinod qui me signala sa presence.
Martinod, tout a coup, devint bleme, et la main qui tenait le verre
trembla comme celle de Cassenave, de sorte qu'un peu de champagne en
gicla. Deja mon pere, devant qui l'on s'ecartait rapidement comme
devant un personnage d'importance ou comme si l'on avait peur de lui,
atteignait notre table. Il ota son chapeau, et dit tres poliment:
--Je vous salue, messieurs, je viens chercher mon fils.
Personne ne souffla mot. Il se fit un grand silence, non seulement
dans notre groupe, mais dans toute la salle attentive a cet incident.
L'apparition de Nazzarena sur son cheval noir dans le cirque ne
provoquait meme pas tant de curiosite. On n'entendit qu'une
exclamation: oh! poussee par le patron qui, la serviette en main,
s'immobilisait devant son comptoir. Le premier, grand-pere se remit et
repondit avec calme, presque avec impertinence:
--Bonjour, Michel. Veux-tu prendre quelque chose avec nous?
Cette offre fut accueillie dans l'assistance par de petits rires
narquois et les langues se delierent. Mais la diversion ne dura pas.
Deja mon pere reprenait:
--Merci. Je viens chercher mon fils. Il est bientot l'heure du diner
et nous vous attendons tous les deux.
Par la, il invitait grand-pere a se retirer avec nous. Comprenant que
son invitation n'etait pas agreee, il toisa Martinod qui, pour
afficher son courage, ricanait maintenant:
--Dites donc, monsieur Martinod, puisque je me suis decouvert, je vous
prie de vous decouvrir.
C'etait vrai que Martinod gardait son chapeau sur la tete, mais je
savais que c'etait l'usage au cafe. Loin d'obtemperer a cet ordre, --
a cause du ton, personne ne s'y trompa malgre le je vous prie, --il
s'empressa d'enfoncer davantage son couvre-chef. La salle entiere
interessee et captivee, suivait les phases du dialogue, et dans un
coin un loustic lanca:
--Saluera. Saluera pas.
Mon pere s'avanca et il me parut comparable a un geant. Seul contre
tous, c'etait lui qui repandait la crainte. De sa voix nette que je
connaissais bien, qui remuait Tem Bossette au fond de la vigne et
rassemblait la maisonnee en un instant, il articula:
--Voulez-vous que je fasse sauter votre chapeau avec ma canne,
monsieur Martinod? Car ma main ne peut plus vous toucher.
Cette fois, on c
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