entrelacees et de la terre; enfin il atteignit le massif et n'y trouva
personne. L'ombre etait devenue si epaisse qu'il etait impossible de
voir a dix pas devant soi. Il revint, tout pensif et tout emu, s'asseoir
devant le souper de son pere; mais il dormit moins encore que de
coutume, et retourna aux Pres-Girault le lendemain. Rien n'en troublait
la solitude, et il craignit d'etre devenu assez fou pour qu'une de ses
fictions ordinaires lui fut apparue comme une chose reelle.
[Illustration: La maitresse ouvriere, placee sur une chaise plus elevee
que les autres....]
Le jour suivant, a force d'explorer les bords de la riviere, il trouva
un petit gant de fil blanc tres fin, tricote a l'aiguille avec des
points a jour tres artistement travailles, et qui semblait avoir servi a
arracher des herbes, car il etait tache de vert.
Andre le prit, le baisa mille fois comme un fou, l'emporta sur son coeur
et en devint amoureux, sans songer que le prince _Charmant_, epris d'une
pantoufle, n'etait pas un reveur beaucoup plus ridicule que lui.
Huit jours s'etaient passes sans qu'il trouvat aucune autre trace de
cette apparition. Un matin il arriva lentement, comme un homme qui
n'espere plus, et, s'appuyant contre un arbre, il se mit a lire un
sonnet de Petrarque.
Tout a coup une petite voix fraiche sortit des roseaux et chanta deux
vers d'une vieille romance:
Puis, tout apres, je vis dame d'amour
Qui marchait doux et venait sur la rive.
Andre tressaillit, et, se penchant, il vit a vingt pas de lui une jeune
fille habillee de blanc, avec un petit chale couleur arbre de Judee et
un mince chapeau de paille. Elle etait debout et semblait absorbee dans
la contemplation d'un bouquet de fleurs des champs qu'elle avait a la
main. Andre eut l'idee de s'elancer vers elle pour la mieux voir; mais
elle vint de son cote, et il se sentit tellement intimide qu'il se cacha
dans les buissons. Elle arriva tout aupres de lui sans s'apercevoir
de sa presence, et se mit a chercher d'autres fleurs. Elle erra
ainsi pendant pres d'un quart d'heure, tantot s'eloignant, tantot
se rapprochant, explorant tous les brins d'herbe de la prairie et
s'emparant des moindres fleurettes. Chaque fois qu'elle en avait rempli
sa main, elle descendait sur une petite plage que baignait la riviere,
et plantait son bouquet dans le sable humide pour l'empecher de se
faner. Quand elle en eut fait une botte assez grosse, elle la noua avec
des joncs, plongea les
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