|
--Un mariage, peut-etre? Ou bien un feu de joie!
--Non pas, Catho: nous sommes invitees a voir questionner.
Catho demeura stupefaite.
La Roussette et Paquette, d'un signe de tete repeterent que c'etait bien
vrai.
--Et cela vous amuse? s'ecria la digne cabaretiere Voir souffrir un
pauvre diable, l'entendre crier merci... Moi, j'ai vu rouer une fois, et
j'en fremis encore lorsque j'y songe.
--Que veux-tu, dit la Roussette, moi je ne voulais pas. Mais Paquette
veut voir. Et puis si nous n'y allions pas, M. de Montluc, qui est fort
genereux, mais aussi fort brutal, nous en voudrait...
--Ah! c'est M. de Montluc qui vous invite a voir torturer? Le gouverneur
du Temple?
--Oui-da, Catho. Tu vois que le personnage est d'importance.
--Et ou devez-vous voir la question?
--Au Temple meme. Nous serons cachees dans un cabinet proche de la
chambre des questions. Car il ne faut pas qu'on nous voie. Mais, enfin,
si on nous voit, nous devons passer pour des parentes du patient venues
pour l'assister.
--Ah! bon... Mais, a votre place, je n'irais pas...
--Catho, ma bonne Catho, tu veux donc nous faire un gros chagrin? fit
Paquette.
--Et nous faire perdre la clientele de M. de Montluc!
--Et nous attirer sa colere!
--Eh bien, soit! s'ecria Catho vaincue. Je vous aurai tout ce qu'il
faut.
--Pour samedi?
--Pour samedi soir, c'est entendu!
Les deux ribaudes battirent des mains et embrasserent la digne
aubergiste.
--Mais, reprit alors Catho, quel est donc le malheureux qu'on va
questionner?
--Ils sont deux, fit Paquette.
--Comment s'appellent-ils, ces deux pauvres diables?
--Pardaillan, fit tranquillement Paquette. Le pere et le fils.
Catho ne disait plus rien. Elle avait pali. Ses mains, en tremblant,
s'occupaient a dechiqueter une tartelette.
Certes, elle avait pour ces deux hommes une sorte de rude affection.
Dans son temps, elle avait aime le vieux Pardaillan quinze jours, ou un
mois, elle ne se souvenait plus.
Mais, tout de meme, elle ne pensait pas qu'elle eut pu ressentir une
telle angoisse, une si profonde revolte de son coeur et de sa chair a
l'idee que cet homme devait mourir.
Catho avait passe dans la vie en repoussant d'instinct tout sentiment
qui fait souffrir. Etait-elle bonne? mechante? Elle ne savait pas.
Rarement, elle avait pleure. Sa seule douleur serieuse avait ete de se
voir marquee au visage et enlaidie apres sa maladie.
Quant au chevalier de Pardaillan, ce jeu
|