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--Quelqu'un t'a-t-il vu?
--Je crois que M. d'Aspremont a du m'apercevoir. Mais je ne pense pas
qu'il m'ait reconnu.
--Et quelle etait ton idee en suivant la voiture?
--Rien. Je voulais voir, voila tout.
--Et tu as vu ce que tu ne devais pas voir, mon garcon!
--Helas! je m'en repens bien, mon digne oncle!
--Bon. Maintenant, dis-moi, fripon, dis-moi, miserable, quel demon t'a
pousse a raconter ce que tu n'aurais jamais du voir aux deux damnes
Pardaillan?
--Ce n'est pas un demon. Je voulais sauver mes oreilles, mon oncle.
--Ah! miserable lache! Tu voulais sauver tes oreilles, alors que je te
donnais l'exemple! Alors que j'offrais toute ma fortune, ce dont je
fusse mort de chagrin si on l'eut acceptee! Sais-tu bien, infame, quels
malheurs ta trahison va attirer sur mon illustre maitre?
--Helas! pardonnez-moi, mon oncle!
--Et moi-meme, que vais-je devenir? Que vais-je repondre a ce puissant
seigneur lorsqu'il va me demander des comptes?
Le vieux Gilles etait sincere. Il avait laisse tomber sa tete dans ses
deux mains et se demandait s'il ne valait pas mieux mourir plutot que
d'avoir a essuyer la colere du marechal.
Cependant, il avait un temoin de sa resistance et de sa parfaite
innocence. Ce temoin n'etait autre que Gillot lui-meme. Gillot etait
donc precieux a conserver.
--Ecoute! dit-il en relevant la tete. Je ne te condamne pas a mort.
Monseigneur prendra a ton egard telle decision qui lui conviendra. Mais
il faut que je punisse ta lachete, ta trahison qui me met moi-meme au
pied du gibet, sans compter qu'elle me deshonore. Note que je ne te
parle pas des trois mille livres qui manquent a mon coffre...
--Mais ce n'est pas moi! hurla Gillot.
--Que je ne te parle pas, continua Gilles impassible du vol enorme que
tu as voulu perpetrer. Que n'as-tu eu l'idee de me poignarder plutot que
de toucher a mes pauvres chers ecus?... Mais je te pardonne ce crime, te
dis-je!... Et quant a ta trahison, monseigneur en jugera, et peut-etre
te fera-t-il grace si tu lui racontes les choses telles qu'elles se sont
passes. Me le jures-tu?
--Sur ma part de paradis, je le jure!
--Bon. En ce cas, je vais me contenter de juger le tort que tu me causes
a moi-meme en me faisant courir le risque d'etre pour le moins chasse
par monseigneur. Et je vais te punir par ou tu as peche...
--Comment cela? Comment cela? bredouilla Gillot en verdissant de
terreur.
--Oui, tu as trahi ton maitre et ton oncle pour
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