Madame, dit Maurevert, ce que j'en ai dit, c'est pour faire comprendre
a Votre Majeste que j'appartiens corps et ame a Mgr d'Anjou...
Les yeux de la reine etincelerent de joie. Maurevert surprit cette joie
et continua:
--Mais il va sans dire que, si le roi a besoin de mes faibles services,
je lui suis tout acquis: c'est mon devoir de fidele sujet.
Il y avait une telle difference entre le ton que le bravo employait pour
parler du duc d'Anjou et pour parler du roi que Catherine, transportee,
s'ecria:
--Monsieur de Maurevert, vous etes un honnete homme et, si vous voulez
m'obeir, je me charge de votre fortune!
Car cette femme si rude, si subtile, devenait aveugle des qu'on la
flattait dans son amour pour Henri d'Anjou.
Elle reprit apres une minute de reflexion:
--Puisque vous voulez servir le roi, je veux vous donner une preuve de
mon amitie en vous disant quels sont ses ennemis...
--J'ecoute Votre Majeste, tout pret a renfermer dans mon coeur comme au
fond d'une tombe les secrets qu'elle daignera me confier.
--Je connais votre discretion... Mais est-ce bien un secret pour vous?
Ne vous doutez-vous pas de quels ennemis je veux vous parler?
--Serait-ce de M. le duc de Guise?
--Guise? Oh! non... le duc nous est tout devoue...
--Alors, Votre Majeste veut parler du marechal de Damville.
--Damville, a qui nous avons donne le gouvernement de la Guyenne, est un
de nos plus beaux amis...
--Alors, fit Maurevert, il s'agit de celui qu'on appelle le chef des
_Politiques_.
--Montmorency! dit la reine. Cette fois, c'est bien un ennemi que vous
designez. Mais nous en reparlerons plus tard.
--Alors, reprit Maurevert impenetrable, je ne vois pas...
--Songez que, le roi, c'est le fils aine de l'Eglise.
--Votre Majeste veut parler des huguenots! s'ecria le bravo avec une
surprise parfaitement jouee. Mais le roi lui-meme n'a-t-il pas proclame
la grande reconciliation?
--Eh bien, oui! Mais, malgre toutes nos avances, malgre la sincerite
de nos offres, les huguenots conspirent. Ils sont insatiables. Ah!
Maurevert, je tremble pour mon fils!
--Pourquoi Votre Majeste ne fait-elle pas arreter l'amiral?
--Trop tard, mon bon Maurevert, trop tard. Arreter l'amiral! Qui donc
oserait maintenant se charger d'une telle besogne?...
--Moi, fit Maurevert.
--Vous!...
--Pourquoi pas? Que le roi m'en signe l'ordre, et, des ce soir, en
pleine fete, j'arrete Coligny.
--Quel scandale!... Non, non, c'est imp
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