de la soeur Lalie." Vers ce
meme temps, il composa pour Saint-Cyr quatre cantiques spirituels qui
sont au nombre de ses plus beaux ouvrages. Il y en a deux d'apres
saint Paul que Racine traite comme il a deja fait Tacite et la Bible,
c'est-a-dire en l'enveloppant de suavite et de nombre, mais en
l'affaiblissant quelquefois. Il est a regretter qu'il n'ait pas pousse
plus loin cette espece de composition religieuse, et que, dans les huit
dernieres annees qui suivirent _Athalie_, il n'ait pas fini par jeter
avec originalite quelques-uns des sentiments personnels, tendres,
passionnes, fervents, que recelait son coeur. Certains passages des
lettres a son fils aine, alors attache a l'ambassade de Hollande, font
rever une poesie interieure et penetrante qu'il n'a epanchee nulle part,
dont il a contenu en lui, durant des annees, les delices incessamment
pretes a deborder, ou qu'il a seulement repandue dans la priere, aux
pieds de Dieu, avec les larmes dont il etait plein. La poesie alors, qui
faisait partie de la _litterature_, se distinguait tellement de la _vie_
que rien ne ramenait de l'une a l'autre, que l'idee meme ne venait pas
de les joindre, et qu'une fois consacre aux soins domestiques, aux
sentiments de pere, aux devoirs de paroissien, on avait eleve une
muraille infranchissable entre les _Muses_ et soi. Au reste, comme nul
sentiment profond n'est sterile en nous, il arrivait que cette poesie
_rentree_ et sans issue etait dans la vie comme un parfum secret qui se
melait aux moindres actions, aux moindres paroles, y transpirait par une
voie insensible, et leur communiquait une bonne odeur de merite et de
vertu: c'est le cas de Racine, c'est l'effet que nous cause aujourd'hui
la lecture de ses lettres a son fils, deja homme et lance dans le monde,
lettres simples et paternelles, ecrites au coin du feu, a cote de la
mere, au milieu des six autres enfants, empreintes a chaque ligne d'une
tendresse grave et d'une douceur austere, et ou les reprimandes sur le
style, les conseils d'eviter les _repetitions de mots_ et les _locutions
de la Gazette de Hollande_, se melent naivement aux preceptes de
conduite et aux avertissements chretiens: "Vous avez eu quelque raison
d'attribuer l'heureux succes de votre voyage, par un si mauvais temps,
aux prieres qu'on a faites pour vous. Je compte les miennes pour rien;
mais votre mere et vos petites soeurs prioient tous les jours Dieu
qu'il vous preservat de tout accident, et on faisoit la
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