mbres fugitives, rieuses ou eplorees, demandant la vie, et,
dans les limbes inexplicables de la pensee, attendant la lumiere du
jour. Diana Vernon a cheval, franchissant les barrieres et se perdant
dans le taillis; Juliette au balcon tendant les bras a Romeo; l'ingenue
Agnes a son balcon aussi, et rendant a son amant salut pour salut du
matin au soir; la moqueuse Suzanne et la belle comtesse habillant
le page; que sais-je? toutes ces ravissantes figures, toutes ces
apparitions enchantees souriront au poete et l'appelleront a elles du
sein de leur nuage. Il n'y resistera pas longtemps, et se relancera,
tete baissee, dans ce monde qui tourbillonne autour de lui. Chacun
reviendra a ses gouts et a sa nature. Beaumarchais, comme un joueur
excite par l'abstinence, tentera de nouveau avec fureur les chances et
la folie des intrigues. Scott, plus insouciant peut-etre, et comme un
voyageur simplement curieux qui a deja vu beaucoup de siecles et de
pays, mais qui n'est pas las encore, se remettra en marche au risque
de repasser, chemin faisant, par les memes aventures. Moliere, penseur
profond, triste au dedans, ayant hate de sortir de lui-meme et
d'echapper a ses peines secretes, sera cette fois d'un comique plus
grave ou plus fou qu'a l'ordinaire. Shakspeare redoublera de grace, de
fantaisie ou d'effroi. Le grand Corneille enfin (car il est de cette
famille), Corneille couvert de cicatrices, epuise, mais infatigable et
sans relache comme ses heros, pareil a ce valeureux comte de Fuentes
dont parle Bossuet, et qui combattit a Rocroi jusqu'au dernier soupir,
Corneille ramenera obstinement au combat ses vieilles bandes espagnoles
et ses drapeaux dechires.
Voila les poetes dramatiques. Dirai-je que Racine ne leur ressembla
jamais dans sa retraite; qu'il ne vit plus rien de ce qu'il avait
quitte; qu'il n'eut point, a ses heures de reverie, des apparitions
charmantes qui remuaient, comme autrefois, son coeur? Ce serait faire
injure a son genie. Mais ces creations memes vers lesquelles un doux
penchant dut le rentrainer d'abord, ces Monime, ces Phedre, ces Berenice
au long voile, ces nobles amantes solitaires qu'il revoyait, a la nuit
tombante, sous les traits de la Champmesle, et qui s'enfuyaient,
comme Didon, dans les bocages, qu'etaient-elles, je le demande? Ou
voulaient-elles le ramener? Differaient-elles beaucoup de l'_Elegie a la
voix gemissante_;
Au ris mele de pleurs, aux longs cheveux epars,
Belle, levant au ciel ses
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