ces messieurs,
et en commanda une autre a Humann, qui habillait Louis de Meran.
Recommande par ce jeune homme elegant et riche, il eut chez ce prince
des tailleurs un credit ouvert dont il ne s'inquieta pas, et qui creusa
sous lui comme un gouffre invisible.
Les joyeux compagnons qui l'entouraient, des qu'ils le virent
insolemment prodigue et revetu d'un costume de dandy qui deguisait
incroyablement son origine plebeienne, l'adopterent tout a l'ait, et
firent de lui le plus grand cas. Ce n'est plus le temps, c'est l'argent
qui est un grand maitre. Horace, n'etant plus retenu et contriste par
la misere, se livra a tous les elans de sa brillante gaiete et de son
audacieuse imagination. L'argent fit en lui des miracles; car il lui
rendit, avec la confiance en l'avenir et les jouissances du present,
l'aptitude au travail, qu'il semblait avoir a jamais perdue. Il retrouva
toutes ses facultes, emoussees par les chagrins et les soucis de l'hiver
precedent. Son humeur redevint egale et enjouee. Ses idees, sans devenir
plus justes, se coordonnerent et s'etendirent. Son style se forma tout a
coup. Il ecrivit un petit roman fort remarquable, dont la triste Marthe
fut l'heroine, et ses amours le sujet. Il s'y donna un plus beau role
qu'il ne l'avait eu dans la realite; mais il y motiva et y poetisa ses
fautes d'une maniere tres-habile. L'on peut dire que son livre, s'il eut
eu plus de retentissement, eut ete un des plus pernicieux de l'epoque
romantique. C'etait non pas seulement l'apologie, mais l'apotheose de
l'egoisme. Certainement Horace valait mieux que son livre; mais il y mit
assez de talent pour donner a cet ouvrage une valeur reelle. Comme il
etait riche alors, il trouva facilement un editeur; et le roman, imprime
a ses frais, et publie peu du temps apres son retour a Paris, eut une
sorte de succes, surtout dans le monde elegant.
Cette vie de luxe, melee de travail intellectuel et d'activite physique,
etait l'ideal et l'element veritable d'Horace. Je remarquai que sa
parole et ses manieres, d'abord ridicules lorsqu'il avait voulu les
transformer de bourgeoises en patriciennes, devinrent gracieuses et
dignes, lorsque fort de son propre merite et riche de son propre argent,
il ne chercha plus, en se reformant, a imiter personne. A Paris, ses
nouveaux amis le presenterent dans diverses maisons riches ou nobles, ou
il vit l'ancienne bonne compagnie et le nouveau grand monde. Il vit les
fetes des banquiers israelites, et le
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