apidement pour rechauffer et
l'inspirer une seconde fois. Il avait force son cerveau a un enfantement
qui avortait. En essayant de peindre Leonie et son amour pour elle, il
avait ete froid et faux comme son modele et comme son propre sentiment.
Il eut pu avoir neanmoins un certain succes dans un certain monde avec
ce mauvais ouvrage, s'il eut designe clairement la vicomtesse a la
mechancete du public des salons, et s'il eut fourni a ses elegants
lecteurs l'appat d'un petit scandale. Mais Horace avait un trop noble
coeur pour chercher ce genre de vogue. Il avait tellement poetise son
heroine, qu'elle n'etait pas vraie, et que personne ne pouvait la
reconnaitre. Incapable de garder un secret d'amour, il etait egalement
incapable de le proclamer froidement et par vengeance.
Le meme jour ou il fut congedie par la prudente veuve, il perdit au jeu
ses derniers louis, et rentra chez lui dans une disposition d'esprit
assez tragique. Il trouva sur sa cheminee une lettre de son editeur, en
reponse a un billet qu'il lui avait ecrit la veille pour lui demander de
nouvelles avances en retour de la promesse d'un nouveau roman. "Odieux
metier! s'ecria-t-il en decachetant la lettre; il faudra donc ecrire
encore, ecrire toujours, quelle que soit ma disposition d'esprit; etre
leger de style avec une cervelle appesantie de fatigue, tendre de
sentiments avec une ame dessechee de colere, frais et fleuri de
metaphores avec une imagination fletrie par le degout!" Il brisa
convulsivement le cachet, et, a sa grande surprise, lut un refus
tres-net en style d'editeur mecontent, qui appelle un chat, un chat, et
un succes manque un _bouillon_. Le digne homme en etait pour ses frais.
Depuis quinze jours que l'ouvrage etait publie, il ne s'en etait pas
vendu trente exemplaires. Et puis il etait si court! Le volume etait
plat, les libraires ne prenaient cette _galette_ qu'au rabais. Si Horace
avait voulu le croire, il aurait allonge le denoument. Deux feuilles de
plus, et son livre gagnait cinquante centimes par exemplaire. Et puis le
titre n'etait pas assez _ronflant_, la donnee n'etait pas _morale_, il
y avait _trop de reflexions_; et mille autres causes de non-succes qui
firent sauter au plancher le pauvre auteur outre de colere et rempli de
desespoir.
Quand on n'a pour toute fortune que de belles paroles, des bottes
percees et un habit rape, on ne se decourage pas pour un refus
d'editeur; on se met en campagne, et de rebuffades en rebuffades, o
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