eurs l'engagea a venir souper
chez lui, avec les autres, apres le spectacle. Il s'efforca d'etre
enjoue, et il vint a bout d'avoir enormement d'esprit. Cependant, de
temps a autre, il lui semblait remarquer un sourire de mepris echange
autour de lui. Un nuage alors passait devant ses yeux, ses oreilles
bourdonnaient, il n'entendait plus l'orchestre, il ne voyait plus
flotter dans la salle qu'une assemblee de fantomes qui le regardaient,
le montraient au doigt, ricanaient affreusement; et des spectres de
femmes qui se disaient les uns aux autres des mots etranges derriere
leur eventail: _aventurier, aventurier! hableur, fanfaron! homme de
rien! homme de rien!_ Alors il etait pret a s'evanouir, et quand, revenu
a lui-meme, il s'assurait que ce n'etait qu'une hallucination, il
faisait de violents efforts pour cacher son angoisse. Une fois un de ses
compagnons lui demanda pourquoi il etait si pale. Horace, encore plus
trouble par cette remarque, repondit qu'il etait souffrant. _Peut-etre
avez-vous faim?_ lui dit un antre. Horace perdit tout a fait contenance.
Il crut voir dans ce mot insignifiant une atroce epigramme. Il songea a
se retirer, a se cacher, a ne jamais reparaitre.
Et puis il se dit qu'il ne fallait pas abandonner ainsi la partie, qu'il
devait aborder une explication, affronter l'attaque, afin de se defendre
avec audace, et de savoir a tout prix s'il etait victime d'une secrete
persecution, ou en proie a un mauvais reve. Il suivit la bande joyeuse
chez l'amphitryon de la nuit, tour a tour glace ou rassure par l'air
froid ou bienveillant des convives.
La dame du logis etait une fille entretenue, fort belle, fort
intelligente, fort railleuse, et mechante a l'exces. Horace l'avait
toujours haie et redoutee, quoiqu'elle lui eut fait des avances.
Elle avait ce jour-la une robe de satin ecarlate, ses cheveux blonds
flottants, et un certain air plus impertinent que de coutume. Ses yeux
brillaient d'un eclat diabolique: c'etait la vraie fille de Lucifer.
Elle accueillit Horace avec des graces de chat, le placa aupres d'elle a
table, et lui versa de sa belle main les vins du Rhin les plus capiteux.
On s'egaya beaucoup, on traita Horace aussi bien que de coutume, on lui
fit reciter des vers, on l'applaudit, on le flatta, et on parvint a
l'enivrer, non pas jusqu'a perdre la raison, mais jusqu'a reprendre
confiance en lui-meme.
Alors un des convives lui dit:
"A propos de femmes, apprenez-nous donc, mon cher, pourqu
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