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finit par en trouver un plus confiant ou plus riche. Mais courir
en tilbury et suivi de son groom, de porte en porte, pour demander
l'aumone, ce n'est pas aussi facile. Horace l'essaya pourtant des le
lendemain. Partout il fut recu avec beaucoup de politesse, mais avec
un sourire d'incredulite pour son avenir litteraire. Son premier roman
avait eu un succes d'estime plutot qu'un succes d'argent. Le second
avait fait un _fiasco_ complet. L'un lui demandait une preface d'Eugene
Sue, l'autre une lettre de recommandation de M. de Lamartine, un
troisieme exigeait qu'on lui assurat un feuilleton de Jules Janin. Tous
s'accordaient pour ne point faire les frais de l'edition, et aucun
n'entendait debourser la moindre avance de fonds. Horace les envoya tous
au diable, petits et gros, et revint chez lui la mort dans l'ame.
Le lendemain il vendit son cheval pour payer et congedier son
domestique; le surlendemain il vendit sa montre pour avoir quelques
pieces d'or, et pouvoir jouer encore un jour le role d'un homme riche.
Il alla voir Louis de Meran, qui jouait au whist avec ses amis. Horace
gagna quelques louis, les perdit, les regagna, et se retira vers trois
heures du matin endette de cinq cents francs, que, selon les lois de
ce monde-la, il devait payer dans un delai de trois jours a un de ses
meilleurs amis, riche de trente mille livres de rente, sous peine d'etre
meprise et taxe de gueuserie. Apres s'etre en vain mis en quatre pour se
les procurer chez un editeur, le soir du troisieme jour, il se decida
a les emprunter a Louis de Meran, non sans un trouble mortel; car il
savait qu'a moins d'un nouveau bonheur au jeu, il ne pourrait pas les
rendre, et l'insouciance qu'il avait eue naguere s'etait changee en
mefiance et en terreur depuis qu'il avait connu les apres jouissances
de la possession et les soucis amers de la ruine. Cette souffrance fut
d'autant plus grande, qu'il lui sembla voir dans le regard et dans
tout l'exterieur de son ami quelque chose de froid et de contraint qui
contrastait avec son empressement et sa confiance habituels. Jusque-la
ce jeune homme avait paru, en lui pretant de l'argent, le remercier
plutot que l'obliger, et il est certain que jusque-la Horace le lui
avait scrupuleusement restitue. Depuis qu'il se faisait passer pour
riche, il payait exactement, non ses anciennes dettes, mais celles qu'il
contractait dans son nouvel entourage. Ce jour-la il lui sembla que
Louis de Meran lui faisait l'aumone
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