! ils n'ont pas change. Il me semble que je les ai
quittes hier."
Marthe voulut avoir l'explication de ces reticences, et je jugeai qu'il
valait mieux lui parler ouvertement et naturellement d'Horace que de la
forcer a nous interroger sur son compte. Je lui racontai la visite qu'il
venait de nous faire, et tout ce qui devait expliquer cette opulence
soudaine. Je lui parlai meme de ses relations avec la vicomtesse de
Chailly. Je crus devoir le faire pour mettre la derniere main, s'il
en etait besoin, a la guerison de cette ame sauvee. Elle en sourit de
pitie, fremit legerement, et, se jetant dans le sein de son epoux, elle
lui dit avec un sourire doux et triste:
"Tu vois que je connaissais bien Horace!"
Ils furent forces de nous quitter a quatre heures. Marthe jouait le
soir meme. Nous allames l'entendre, et nous revinmes tout emus et tout
bouleverses de son talent, joyeux jusqu'aux larmes d'avoir retrouve ces
deux etres cheris, unis enfin et heureux l'un par l'autre.
XXXI.
Horace, lance dans le monde avec une belle figure, une bonne tenue,
beaucoup d'esprit de conversation, un commencement de renommee
litteraire, les apparences d'une certaine fortune, et un nom qu'il
signait _Du Montet_, ne pouvait manquer d'etre remarque; et il y eut un
moment ou, sans trop d'illusions, il put se flatter d'etre appele aux
plus grands succes aupres de ces belles poupees de salon qu'on appelle
femmes a la mode. Deux ou trois coquettes sur le retour l'eussent mis
en vogue, s'il eut voulu se laisser proner par elles; mais il visa plus
haut, et cela le perdit. Il se mit dans l'esprit que ces passageres
amours etaient trop faciles, et qu'il pouvait aspirer a un brillant
mariage. Depuis qu'il avait tate de la richesse, il lui semblait qu'il
n'y avait que cela de reel et de desirable. Il ne regardait plus le
talent et la gloire que comme des moyens de parvenir a la fortune, et il
comptait sur les dons qu'il avait recus de la nature pour captiver le
coeur de quelque riche heritiere. Avec de l'habilete, du temps et de la
prudence, qui sait si son reve ne se serait pas realise? Mais il ne sut
pas menager les ressources de sa position, et son trop de confiance
l'egara. Prompt a s'abuser sur les sentiments qu'il inspirait, il entama
une intrigue avec la fille d'un banquier, pensionnaire romanesque qui
repondit a ses billets, lui donna des rendez-vous, et concerta avec
lui un enlevement et un mariage a Gretna-Green. Malheureusement Hor
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