ces preux du temps
de Charlemagne, sur lesquels tout cavalier doit chercher a se
modeler. Malheureusement, nous ne sommes plus au temps du grand
empereur. Nous sommes au temps de M. le cardinal, et d'ici a trois
jours on saurait, si bien garde que soit le secret, on saurait,
dis-je, que nous devons nous battre, et l'on s'opposerait a notre
combat. Ah ca, mais! ces flaneurs ne viendront donc pas?
-- Si vous etes presse, monsieur, dit d'Artagnan a Athos avec la
meme simplicite qu'un instant auparavant il lui avait propose de
remettre le duel a trois jours, si vous etes presse et qu'il vous
plaise de m'expedier tout de suite, ne vous genez pas, je vous en
prie.
-- Voila encore un mot qui me plait, dit Athos en faisant un
gracieux signe de tete a d'Artagnan, il n'est point d'un homme
sans cervelle, et il est a coup sur d'un homme de coeur. Monsieur,
j'aime les hommes de votre trempe, et je vois que si nous ne nous
tuons pas l'un l'autre, j'aurai plus tard un vrai plaisir dans
votre conversation. Attendons ces messieurs, je vous prie, j'ai
tout le temps, et cela sera plus correct. Ah! en voici un, je
crois."
En effet, au bout de la rue de Vaugirard commencait a apparaitre
le gigantesque Porthos.
"Quoi! s'ecria d'Artagnan, votre premier temoin est M. Porthos?
-- Oui, cela vous contrarie-t-il?
-- Non, aucunement.
-- Et voici le second."
D'Artagnan se retourna du cote indique par Athos, et reconnut
Aramis.
"Quoi! s'ecria-t-il d'un accent plus etonne que la premiere fois,
votre second temoin est M. Aramis?
-- Sans doute, ne savez-vous pas qu'on ne nous voit jamais l'un
sans l'autre, et qu'on nous appelle, dans les mousquetaires et
dans les gardes, a la cour et a la ville, Athos, Porthos et Aramis
ou les trois inseparables? Apres cela, comme vous arrivez de Dax
ou de Pau...
-- De Tarbes, dit d'Artagnan.
--... Il vous est permis d'ignorer ce detail, dit Athos.
-- Ma foi, dit d'Artagnan, vous etes bien nommes, messieurs, et
mon aventure, si elle fait quelque bruit, prouvera du moins que
votre union n'est point fondee sur les contrastes."
Pendant ce temps, Porthos s'etait rapproche, avait salue de la
main Athos; puis, se retournant vers d'Artagnan, il etait reste
tout etonne.
Disons, en passant, qu'il avait change de baudrier et quitte son
manteau.
"Ah! ah! fit-il, qu'est-ce que cela?
-- C'est avec monsieur que je me bats, dit Athos en montrant de la
main d'Artagnan, et en le saluant du me
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