la plupart, un mauvais usage de
leur influence, puisque les esperances materielles, donnees par eux,
une fois aneanties avec leur defaite, il n'est reste dans l'ame des
partisans qu'ils avaient faits, aucune foi, aucun courage, aucune
droiture.
Quiconque vit en province croit donc et doit croire le gouvernement fort
et prenant sa base sur une conviction, sur une volonte generale, puisque
les resistances n'y comptent pas une sur mille, et encore sont-ce des
resistances timides et affaissees sous le poids de leur impuissance
morale. En arrivant ici, j'ai cru qu'il fallait subir temporairement,
avec le plus de calme et de foi possible en la Providence, une dictature
imposee par nos fautes memes.
J'ai espere que, puisqu'il y avait un homme tout-puissant, on pouvait
approcher de son oreille pour lui demander la vie et la liberte de
plusieurs milliers de victimes (innocentes a ses yeux memes, pour la
plupart). Cet homme a ete accessible et humain en m'ecoutant. Il m'a
offert toutes les graces particulieres que je voudrais lui demander, en
me promettant une amnistie generale pour bientot; J'ai refuse les graces
particulieres, je me suis retiree en esperant pour tous. L'homme ne
posait pas, il etait sincere, et il semblait qu'il fut de son propre
interet de l'etre. J'y suis retournee _une seconde et derniere fois_, il
y a quinze ou vingt jours pour sauver un ami personnel de la deportation
et du desespoir (car il etait au desespoir). J'ai dit en propres termes
(et j'avais ecrit en propres termes pour demander l'audience) que cet
ami ne se _repentirait_ pas de son passe, et ne s'engagerait a rien
pour son avenir; que je restais en France; moi, comme une sorte de bouc
emissaire qu'on pourrait frapper quand on voudrait. Pour obtenir la
commutation de peine que je reclamais, pour l'obtenir sans compromettre
et avilir celui qui en etait l'objet, j'osai compter sur un sentiment
genereux de la part du president, et je le lui denoncai comme son
_ennemi personnel incorrigible_. Sur-le-champ, il m'offrit sa grace
entiere. Je dus la refuser au nom de celui qui en etait l'objet, et
remercier en _mon nom_. J'ai remercie avec une grande loyaute de coeur,
et, de ce jour, je me suis regardee comme engagee a ne pas laisser
calomnier complaisamment devant moi; _le cote du caractere_ de l'homme
qui a dicte cette action. Renseignee sur ses moeurs, par des gens qui le
voient de pres depuis longtemps et qui ne l'aiment pas, je sais qu'il
n'est
|