du
peuple, une dictature sans ideal mais non pas sans avenir, puisqu'en
acquerant le bien-etre dont il est prive, le peuple acquerra forcement
l'instruction et la reflexion.
Il m'a semble, il me semble encore, bien que je n'aie pas revu la
_personne_ depuis le 5 fevrier, que les electeurs et l'elu sont assez
d'accord sur le fond des choses; mais tous deux ignorent les moyens, et
s'imaginent que le but justifie tout. Ils ne voient pas que le jeu des
instruments qu'ils emploient, et la fatalite, se montrent ici plus
justes et plus logiques qu'on ne pouvait s'y attendre. Les instruments
trahissent, paralysent, corrompent, conspirent et vendent. Voila ce que
je crois, et je m'attends a tout, excepte au triomphe prochain de l'idee
fraternelle et chretienne, sans laquelle nous n'aurons pas de republique
durable. Nous passerons par d'autres dictatures, Dieu sait lesquelles!
Quand le peuple aura fait de douloureuses experiences, il s'apercevra
qu'il ne peut pas se personnifier dans un homme et que Dieu ne veut pas
benir une erreur qui n'est plus de notre siecle.
En attendant, c'est nous, republicains, qui serons encore victimes de
ces orages. Probablement, nous serions sages si nous attendions, pour
rappeler le peuple a ses vrais devoirs, qu'il comprit ses erreurs et
qu'il se repentit de lui-meme de nous avoir consideres comme une poignee
de scelerats qu'il fallait abandonner, livrer, denoncer aux fureurs de
la reaction.
Bonsoir, mon ami; je t'embrasse et regrette bien que tu sois toujours
la-bas quand je suis ici. Ma sante ne se retablit pas encore, je me suis
beaucoup fatiguee pour obtenir jusqu'ici beaucoup moins qu'on ne m'avait
promis; je m'en prends surtout au desordre effrayant qui regne dans
cette sinistre branche de l'administration, et a la preoccupation ou les
elections tiennent le pouvoir. Je crois que l'amnistie viendra ensuite.
Si elle ne vient pas, je recommencerai mes demarches pour arracher du
moins a la souffrance et a l'agonie le plus de victimes que je pourrai;
on m'en recompense par des calomnies, c'est dans l'ordre, et je n'y veux
pas faire attention.
On joue une nouvelle piece de moi la semaine prochaine, une piece _gaie_
et _bouffonne[1]_ que j'ai faite avec la mort dans l'ame, les directeurs
de theatre refusant mes pieces, sous pretexte qu'elles rendent triste.
Ces pauvres spectateurs! ils ont le coeur si tendre! ils sont si
sensibles, ces bons bourgeois! Il faut prendre garde de les rendre
ma
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