le mien fut une
repetition de mon adresse ou plutot de celle de mon pere, n deg. 50, rue
de l'Universite; le dernier regard de Clotilde fut une promesse. Et je
m'eloignai plein de foi; elle penserait a moi.
Mon voyage fut triste et de plus en plus lugubre a mesure que
j'approchais de Paris. En partant de Marseille, je me demandais avec
inquietude en quel etat j'allais trouver mon pere; en arrivant aux
portes de Paris, je me demandais si j'allais le trouver vivant encore.
Bien que separe depuis longtemps de mon pere, par mon metier de soldat,
j'ai pour lui la tendresse la plus grande, une tendresse qui s'est
developpee dans une vie commune de quinze annees pendant lesquelles nous
ne nous sommes pas quittes un seul jour.
Apres la mort de ma mere que je perdis dans ma cinquieme annee, mon pere
prit seul en main le soin de mon education et de mon instruction. Bien
qu'a cette epoque il fut prefet a Marseille, il trouvait chaque matin un
quart d'heure pour venir surveiller mon lever, et dans la journee, apres
le dejeuner, il prenait encore une heure sur ses occupations et ses
travaux pour m'apprendre a lire. Jamais la femme de chambre qui m'a
eleve, ne m'a fait repeter une lecon.
Convaincu que c'est notre premiere education qui fait notre vie, mon
pere n'a jamais voulu qu'une volonte autre que la sienne pesat sur mon
caractere; et ce que je sais, ce que je suis, c'est a lui que je le
dois. Bien veritablement, dans toute l'acception du mot, je suis deux
fois son fils.
La Revolution de juillet lui ayant fait des loisirs forces, il se
donna a moi tout entier, et nous vinmes habiter cette meme rue de
l'Universite, dans la maison ou il demeure encore en ce moment.
Mon pere etait un revolutionnaire en matiere d'education et il se
permettait de croire que les methodes en usage dans les classes etaient
le plus souvent faites pour la commodite des maitres et non pour celle
des eleves. Il se donna la peine d'en inventer de nouvelles a mon usage,
soit qu'il les trouvat dans ses reflexions, soit qu'il les prit dans les
ouvrages pedagogiques dont il fit a cette epoque une etude approfondie.
Ce fut ainsi qu'au lieu de me mettre aux mains un abrege de geographie
dont je devrais lui repeter quinze ou vingt lignes tous les jours, il me
conduisit un matin sur le Mont-Valerien, d'ou nous vimes le soleil se
lever au dela de Paris. Sans definition, je compris ce que c'etait que
le Levant. Puis, la lecon continuant tout naturellemen
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