ne.
--Je t'attendais, dit M. de Planfoy en me voyant entrer, je parie que
tu n'as pas trouve ceux que tu cherchais et que tu viens me demander de
garder les papiers que tu n'as pu remettre toi-meme.
Je lui racontai mes visites aux Champs-Elysees.
--Tu vois que je ne me trompais pas, dit-il en souriant tristement; si
tu avais eu mon experience des choses et des hommes, tu serais parti
hier soir et tu n'aurais point repete ces visites inutiles. Les gens en
evidence qui couchent chez eux en temps de revolution sont des braves,
et dans le monde politique les braves sont rares. Hier, apres t'avoir
quitte, j'ai vu un personnage de ce monde qui le matin, en apprenant
l'arrestation bien reussie des deputes, a accepte de faire partie du
gouvernement; a une heure, quand il a su que les representants reunis a
la mairie du dixieme organisaient la resistance, il a fait dire qu'il
refusait; a quatre heures, quand les representants ont ete coffres a
la caserne du quai d'Orsay, il a accepte. Le tien appartient a cette
variete, seulement, plus habile, il se cache et ne rend point publiques
ses hesitations: il aura toujours ete de coeur avec le parti qui
finalement triomphera, empeche seulement par des circonstances
independantes de sa volonte de manifester hautement ses opinions et
ses desirs. Donne ton paquet; je le lui porterai. Quel malheur que ces
papiers ne m'appartiennent pas! je m'en servirais pour lui faire une
belle peur.
Je tendais mon paquet; en entendant ces mots, je retirai ma main.
--Ne crains rien, dit M. de Planfoy, la volonte de ton pere sera sacree
pour moi comme elle l'est pour toi; je ne voudrais pas plaisanter avec
son souvenir, si justifiable que fut la plaisanterie. Tu pars donc?
--Dans une heure.
--Eh bien! je vais te conduire quelques pas.
Il etait en vareuse du matin, avec un foulard au cou; il se coiffa d'un
mauvais chapeau de jardin et m'ouvrit la porte.
Au moment ou nous sortions, madame de Planfoy parut.
--Est-ce que vous sortez? dit-elle a son mari.
--Je vais conduire Guillaume jusqu'au bout de la rue.
--Soyez prudent, je vous en prie.
Je la rassurai, et pour lui prouver qu'il n'y avait aucun danger, je lui
racontai ce qui venait de se passer dans la rue du Faubourg, quand on
avait voulu delivrer les representants.
Mais elle secoua la tete et reitera a M. de Planfoy ses recommandations.
--Je reviens tout de suite.
Nous avions fait a peine quelques pas dans la rue de Reuil
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