vais fait effort pour me ressaisir, et j'etais
rentre dans sa chambre.
Mais je n'avais pas pu le tromper.
--Tu es bien pale, me dit-il, tes mains tremblent, tes levres sont
contractees, le docteur a parle, n'est-ce pas? He bien, mon pauvre fils,
il faut nous resigner tous deux; on ne lutte pas contre la mort.
Je balbutiai quelques mots, mais j'etais incapable de me dominer.
--Ne cache pas ta douleur, dit-il, soyons francs tous deux dans ce
moment terrible et ne cherchons point mutuellement a nous tromper;
puisque l'un et l'autre nous savons la verite, passons librement les
quelques heures qui nous restent a etre ensemble. Mets-toi la bien en
face de moi, dans la lumiere, et laisse-moi te regarder.
Puis, apres un long moment de contemplation, pendant lequel ses yeux
alanguis ou deja flottait la mort, resterent fixes, attaches sur moi:
--Comme tu me rappelles ta mere! Oh! tu es bien son fils!
Ce souvenir amollit sa resignation, et une larme coula sur sa joue
amaigrie et decoloree. La voix, deja faible et haletante, s'arreta dans
sa gorge, et, durant quelques minutes, nous restames l'un et l'autre
silencieux.
Il reprit le premier la parole.
--Il y a une chose, dit-il, qui me pese sur la conscience, et que j'ai
souvent voulu traiter avec toi depuis que tu es ici. J'ai toujours
recule, pour ne point te peiner en parlant de notre separation; mais
maintenant ce scrupule n'est plus a observer. Je vais partir sans te
laisser un sou de fortune a recueillir.
--Je vous en prie, ne parlons pas de cela en un pareil moment.
--Parlons-en, au contraire, car cette pensee est pour moi lourde et
douloureuse et ce me sera peut-etre un soulagement de m'en expliquer
avec toi. Tu sais par quelle serie de circonstances malheureuses ma
fortune et celle de ta mere ont passe en d'autres mains que les notres.
--J'aime mieux recueillir pour heritage le souvenir de votre
desinteressement dans ces circonstances, que la fortune elle-meme qu'il
vous a coute.
--Je le pense; mais enfin le resultat materiel a ete de me laisser sans
autres ressources que ma pension de retraite et la rente viagere que me
devaient nos cousins d'Angers, en tout dix mille francs par an. Avec
la pension que j'ai eu le plaisir de te servir, avec mes depenses
personnelles, je n'ai point fait d'economies. Sans doute, j'aurais pu
diminuer mes depenses.
--Ah! pere.
--Oui, cela eut mieux valu et j'aurais un remords de moins aujourd'hui.
Mais je ne l'a
|