ue, que celui
de cette ville nomade installee sur la plage de toutes les manieres les
plus bizarres qu'il soit possible de se figurer. Que l'on s'imagine, en
effet, une agglomeration compacte de trois ou quatre cents batiments de
commerce et barques de peche; autant de bateaux, de canots qu'il pouvait
en tenir blottis les uns contre les autres, hales a terre; les uns en
bon etat, les autres tombant en ruine; ceux-ci bien espalmes,
embarcations de luxe, celles-la de vraies arches de Noe, galipotees,
goudronnees et sentant le vieux poisson a dix kilometres a la ronde:
tout cela couvert de tentes bariolees plus etranges les unes que les
autres. En verite, on ne saurait avoir idee de cette ville aquatique,
qui va servir de refuge a toute une population. A terre, sur la plage,
ce sont des gourbis, des profusions de haillons accroches a toute espece
de choses, des feux qui brulent pour faire la cuisine, des myriades
d'enfants, males et femelles, qui gigottent, partie dans le sable,
partie dans l'eau, a qui mieux mieux. De toutes parts, des puits creuses
dans le sable pour fournir une eau saumatre a des gens qui meurent de
soif. Puis, le long du chemin qui suit la mer, des maisons bondees
d'habitants; une route ou l'on ne saurait circuler qu'au pas, tant il y
a de monde et d'obstacles. Tout cela cause, crie, hurle, boit, mange,
sans souci et avec une tranquillite parfaite. N'est-on pas hors de la
portee des canons de la citadelle et sous ceux de la France et de
l'Angleterre? En rade, c'est encore plus curieux: ici, un vieux prelart
de toile ciree, une vieille tente en coutil, jadis les beaux jours du
gaillard d'arriere d'un paquebot, abritent une pauvre mais
nombreuse famille, entassee pele-mele, depuis l'aieul jusqu'aux
arriere-petits-enfants, dans une lourde barque de peche; la, des tapis
de Turquie, des couvertures africaines ou espagnoles etalent, sur le
pont d'un brick-goelette ou d'une belle balancelle catalane, le luxe de
leurs brillantes couleurs. Plus loin, un caboteur moins luxueux a
desenvergue ses voiles pour mettre a l'abri sa population passagere, et
partout un luxe inoui de bibelots de toutes natures, d'ustensiles de
toutes sortes, de poteries, de batteries de cuisine, de poeles et de
poelons, de gargoulettes de formes variees, accroches de ci, de la; des
montagnes de matelas s'alignant le soir a la belle etoile, les uns a
cote des autres; puis, comme a terre, a bord de chacun de ces bateaux en
particulier, un mo
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