chestre a sa disposition.
"Au moins n'allez pas vous imaginer, cher monsieur, que j'ai eu de la
peine a obtenir ce billet, si courus qu'ils soient. J'aurais voulu me
donner le plaisir de vaincre des difficultes pour vous; mais la verite
m'oblige a declarer que je ne les ai point rencontrees. Au premier mot
que j'ai adresse, a mon beau-frere pour le prier d'ajouter un fauteuil a
celui qu'il me donnait, il a cependant repondu nettement par un refus,
mais quand j'ai prononce votre nom, ce refus s'est change en la plus
gracieuse des offres.--Dites bien a M. Adeline--ce sont les propres
paroles de mon beau-frere que je vous rapporte--que je considererai
comme un honneur qu'il veuille bien assister a ma piece; avec un public
compose d'hommes comme lui, on aurait de l'originalite et l'on oserait
aller jusqu'au bout de son originalite."
Adeline n'etait point un habitue des premieres, et s'il voyait une piece
c'etait ordinairement lorsque le chiffre de la centieme lui permettait
de s'aventurer sans trop de risques, de meme que, s'il allait au
Salon de peinture, c'etait apres que les medailles etaient donnees et
affichees; mais comment refuser cette invitation qui, faite dans cette
forme, etait vraiment flatteuse? Il avait raison, cet auteur dramatique.
Si les theatres, au lieu de se laisser envahir par les filles,
composaient mieux leur salle de premiere representation, le niveau de
l'art ne tarderait pas a s'elever,--c'etait une observation qu'il avait
presentee lui-meme plus d'une fois a la commission du budget lors de
la discussion de la subvention des theatres, et il lui plaisait de la
retrouver dans la lettre du "cher vicomte",--qui, bien evidemment,
repetait les paroles memes de Pare.
La salle etait brillante, c'etait bien une grande premiere, comme
l'avait annonce Frederic, qui, place a cote d'Adeline, lui nomma le
Tout-Paris qu'ils avaient devant les yeux. Le depute n'etait pas assez
provincial pour ne pas connaitre les noms que Frederic devidait comme un
montreur de figures de cire, mais c'etait la premiere fois qu'il voyait
la plupart de ces celebrites, vraies ou fausses, et qu'il entendait les
histoires qu'on racontait sur elles a demi-mot. Tous ces noms et toutes
ces histoires defilaient sur les levres de Frederic, legerement; pour
deux seulement il insista: sa soeur, madame Fare, cachee au fond d'une
baignoire, et le colonel Chamberlain, le riche Americain, qui occupait
une avant-scene avec sa femme.
Bien qu
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