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bizarrerie d'impression qu'il ne s'expliquait pas lui-meme, il
eprouverait du soulagement a ne plus le devoir.
Malheureusement, de ce cote, les choses ne marcherent point comme
il l'avait espere: l'affaire Bouteillier ne s'arrangea pas, tout au
contraire, et, apres plusieurs reunions, qui se succederent de plus
en plus orageuses, la faillite fut prononcee a la requete de quelques
creanciers que le luxe des Bouteillier avait trop longtemps humilies.
Le coup avait ete cruel pour Adeline, qui, mieux que personne,
connaissait la procedure des faillites: de combien serait le premier
dividende et quand le toucherait-on?
Il fallait donc se retourner d'un autre cote, ce qui, dans sa position,
etait difficile, car, bien que le vicomte n'eut jamais fait la plus
legere allusion a son pret, il etait evident que ce pret ne pouvait pas
etre considere comme un placement a echeance plus ou moins longue dans
lequel le creancier aussi bien que le debiteur trouvent un egal interet;
c'etait un service rendu, et rien que cela.
Comme il se demandait par quel moyen il sortirait a bref delai de cet
embarras, il crut remarquer que le vicomte etait moins a l'aise avec
lui, moins libre, moins gai, moins ouvert. La cause de ce changement
n'etait que trop facile a deviner: il s'etonnait de n'etre pas encore
rembourse, et il s'en fachait.
Quand on a tout jeune lutte contre la misere, on a appris a ne pas
s'inquieter des dettes et a manoeuvrer avec les creanciers de facon
a les payer, quand l'argent manque, en bonnes paroles qui les font
patienter. Mais ce n'etait pas le cas d'Adeline, qui, entre dans la vie
avec de la fortune, etait arrive a pres de cinquante ans sans devoir un
sou a personne. Si le vicomte etait gene avec lui, de son cote il etait
confus avec le vicomte, ne sachant quelle contenance tenir, ne trouvant
pas un mot a dire, honteux de son silence meme. N'aurait-il donc pas la
force d'aborder nettement la question et de s'expliquer franchement: "Ne
croyez pas que je vous oublie, seulement les rentrees sur lesquelles je
comptais ne s'effectuent pas, mais bientot..." C'etait ce bientot qui
lui fermait les levres. Il n'avait jamais pris un engagement sans le
tenir, comme il n'avait jamais fait une promesse qui ne fut sincere.
Quel engagement pouvait-il prendre, quelle promesse pouvait-il donner
quand il ne savait pas lui-meme a quelle epoque il serait en etat de
payer ces cinquante mille francs; bientot sans doute, d'un jou
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