out le public boulevardier.
Bagarry avait propose un acte inedit de sa composition, mondain, leger
et piquant; Fastou avait suggere l'idee d'exposer quelques-unes de ses
dernieres oeuvres; des pianistes avaient assiege Frederic, Raphaelle, M.
de Cheylus et meme Adeline; des guitaristes espagnols s'etaient offerts;
un Americain celebre dans son pays pour jouer des airs varies en faisant
craquer ses bottes s'etait mis a la disposition de Frederic, qui avait
refuse avec autant d'indignation que de mepris: son cercle servir a de
pareilles exhibitions! C'etait quelque chose d'artistique, de distingue,
de noble qu'il lui fallait, en un mot, un programme caracteristique qui
montrat bien a tous dans quelle maison on se trouvait.
Un moment il avait eu la pensee d'obtenir de son beau-frere Fare
un petit acte inedit, dont la representation eut ete un "evenement
parisien"; mais le beau-frere avait obstinement refuse, et ce qui etait
plus indigne encore (le mot etait de Raphaelle), la soeur elle-meme
n'avait pas voulu s'interposer entre son frere et son mari pour
amener celui-ci a donner cet acte. Il avait eu beau prier, supplier,
s'indigner, se facher, invoquer la solidarite de la famille, elle avait
resiste aux prieres comme aux reproches et aux menaces:
--De l'argent s'il t'en faut, oui, encore comme autrefois; le nom de mon
mari, jamais.
--Ton mari ne peut-il pas m'aider, quand une occasion se presente?
--Non, quand elle se presente mal.
--On dirait vraiment que M. Fare nous a fait un honneur en entrant dans
notre famille.
--Au moins ferait-il honneur a votre maison de jeu en lui donnant son
nom, et c'est pour cela que je ne le lui demanderai point.
--Nous nous en passerons.
Ils s'en passerent en effet, mais, si le programme manqua de cette
attraction, il en eut d'autres: d'abord un diner pour les invites
serieux, ceux qui devaient largement le payer en services rendus; puis
une soiree reunissant une elite de comediens et de chanteurs comme
on n'en voit que dans les grandes representations a benefices, et a
laquelle des femmes seraient invitees, ce qui serait une originalite,
une innovation que l'influence du president ferait tolerer,--pour une
fois; enfin un souper. Quand les nappes blanches auraient ete remplacees
par des tapis verts et qu'il ne resterait plus que des joueurs dans les
salons, la vraie fete commencerait. Adeline aurait voulu qu'on ne jouat
point ce jour-la, mais il avait du ceder aux reclamat
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