tu lui feras visiter le local en
detail. Ce n'est pas difficile, ca.
--J'y suis; il sera ebloui.
--Je te crois. Te mets-tu a la place de ce bon bourgeois se promenant
dans ces salons qui vont lui jeter toute leur poudre d'or aux yeux et
qui va se mirer en se rengorgeant dans ces marbres imposants? crois-tu
qu'il ne va pas se sentir fier en se disant qu'il sera le maitre dans ce
palais?
--Es-tu canaille!
--En sortant, tu le conduiras chez Lobel et tu lui feras montrer le
mobilier, surtout les tapis et les tentures; il doit etre sensible
aux couleurs, ce fabricant de drap; les ouvrages en laine, c'est son
affaire. Je ne dis pas que ca le fichera les quatre fers en l'air comme
les salons, mais ca lui inspirera confiance: serieuse, l'impression du
mobilier; tu le conduiras aussi chez le tailleur pour qu'il voie la
livree; si en revenant tu ne me dis pas que l'affaire est enlevee,
j'avoue comme toi que je suis a bout.
Frederic n'apporta qu'un changement a l'execution de ce programme; il en
intervertit l'ordre au lieu de finir par le tailleur, il commenca par
la: il y aurait progression.
Aux premiers mots, Adeline se defendit:
--Il sera temps si je me decide, mais je vous avoue que je balance: je
vous assure que je ne suis pas du tout celui qu'il vous faut; un bon
bourgeois comme moi serait deplace dans ce role de president, je n'en ai
aucune des qualites, et j'y serais l'homme le plus emprunte du monde; je
compromettrais le succes de l'entreprise; on se moquerait de moi... et,
ce qui est plus grave, de vous.
Frederic protesta poliment, mais sans se lancer pourtant dans une
refutation en regle:
--Nous reviendrons plus tard a la question de savoir si vous acceptez ou
si vous n'acceptez point, dit-il; pour le moment, ce que je vous demande
simplement, c'est vos conseils dans le choix de notre livree; nous ne
fondons pas une oeuvre d'un jour, et nous ne prenons pas cette livree
pour qu'elle dure un mois ou deux; pour moi, gerant de l'affaire, il
faut qu'elle soit solide; c'est au fabricant de drap que je demande de
m'assister.
Evidemment! Adeline ne pouvait pas refuser ses conseils a son ami. Il se
laissa donc conduire chez le tailleur, ou il choisit un drap solide,
un bon drap francais, comme le demandait Frederic, qui devait durer
longtemps.
Puis il se laissa aussi mener chez le tapissier Lobel; dans tout ce qui
etait travail de la laine, il avait des connaissances speciales qu'il ne
pouvait pas ne
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