combats
au couteau. Le petit doigt manquait a sa main gauche; il l'avait perdu
dans une de ces luttes. Le Bruxellois l'avait accepte dans
l'association, quoiqu'il fut sans ressources, a cause de sa force
corporelle, qui devait lui faire supporter facilement la vie fatigante
des mines.--Le second etait un gentilhomme francais d'environ quarante
ans, maigre, aux traits reguliers et haut perche sur ses jambes. Cet
homme etait evidemment d'une grande naissance; il y avait dans sa
demarche, dans la finesse de ses extremites et meme dans l'expression
de ses levres, quelque chose qui accusait une education distinguee et
qui contrastait singulierement avec la physionomie grossiere et ignoble
de l'Ostendais. Le Francais n'etait cependant pas un compagnon amusant;
il ne parlait que quand il ne pouvait sans impolitesse rester muet, et
encore ses paroles etaient ameres et trahissaient l'indifference ou
l'orgueil. Le plus souvent il paraissait reveur et se parlait a
lui-meme, comme quelqu'un qui est poursuivi par des pensees secretes ou
par une conscience bourrelee, ce qui faisait dire a Donat qu'il avait
des rats en tete et qu'une des vis de son cerveau etait probablement
detachee.
La raison pour laquelle Pardoes avait admis cet associe muet dans sa
compagnie, c'est que le Francais avait offert tout l'argent qu'il
possedait pour devenir leur compagnon de voyage; et comme cet argent
etait suffisant pour acheter les armes qui manquaient encore, les
Flamands avaient accepte sa proposition avec joie.
Victor etait le seul qui, par sympathie et par certain sentiment de
compassion, temoignat quelque amitie au gentilhomme; l'Ostendais etait
le compagnon habituel de Pardoes; Jean Creps paraissait s'entendre
egalement bien avec tous. C'etait aussi le cas de tous; car, quoiqu'il
portat sur son dos la grande claie et qu'il fut charge outre mesure, il
faisait souvent eclater les autres de rire, par ses cabrioles comiques
et par ses saillies bouffonnes.
Pendant qu'ils gravissaient ainsi la pente d'un vallon, le Bruxellois,
qui allait toujours en avant, tournait la tete de tous cotes comme s'il
craignait une rencontre; tantot il examinait le sol et paraissait suivre
des traces indistinctes de pieds; mais les autres n'y firent pas
attention, car Pardoes avait agi ainsi du premier jour et avait parle
comme si, a chaque pas, un nouveau danger devait s'elever sous leurs
pieds.
En ce moment, le Francais glissa sur la terre humide et plia
pro
|