jamais
exactement ce qu'il est dans l'instinct de la foule, a savoir: _le
temple du Reve_. Il faut admettre, ajoutai-je, que le theatre, du
moins en ses tendances, est un art. Mais je n'y trouve pas la
marque des autres arts. L'art use toujours d'un detour et n'agit pas
directement. Il a pour mission supreme la revelation de i'infini et de
la grandeur ainsi que la beaute secrete, de l'homme. Mais montrer
au doigt a l'enfant qui nous accompagne, les etoiles d'une unit de
Juillet, ce n'est pas faire une oeuvre d'art. Il faut que l'art agisse
comme les abeilles. Elles n'apportent pas aux larves de la ruche les
fleurs des champs qui renferment leur avenir et leur vie. Les larves
mourraient sous ces fleurs sans se douter de rien. Il faut que les
abeilles nourricieres apportent a ces nymphes aveugles l'ame meme
de ces fleurs, et c'est alors seulement qu'elles trouveront sans le
savoir en ce miel mysterieux la substance des ailes qui un jour les
emporteront a leur tour dans l'espace. Or, le poeme etait une
oeuvre d'art et portait ces obliques et admirables marques. Mais la
representation vient le contredire. Elle chasse vraiment les cygnes
du grand lac, et elle rejette les perles dans l'abime. Elle remet les
choses exactement au point ou elles etaient avant la venue du poete.
La densite mystique de l'oeuvre d'art a disparue. Elle verse dans
la meme erreur que celui qui apres avoir vante a ses auditeurs
l'admirable _Annonciation_ de Vinci, par exemple, s'imaginerait
qu'il a fait penetrer dans leurs ames la beaute surnaturelle de cette
peinture en reproduisant, en un tableau vivant, tous les details du
grand chef-d'oeuvre florentin.
Qui sait si ce n'est pas pour ces raisons cachees que l'on est oblige
de s'avouer que la plupart des grands poemes de l'humanite ne sont pas
sceniques? _Lear, Hamlet, Othello, Macbeth, Antoine et Cleopatre_,
ne peuvent etre representes, et il est dangereux de les voir sur
la scene. Quelque chose d'Hamlet est mort pour nous du jour ou nous
l'avons vu mourir sous nos yeux. Le spectre d'un acteur l'a detrone,
et nous ne pouvons plus ecarter l'usurpateur de nos reves. Ouvrez les
portes, ouvrez le livre, le prince anterieur ne revient plus. Il a
perdu la faculte de vivre selon la beaute la plus secrete de notre
ame. Parfois son ombre passe encore en tremblant sur le seuil, mais
desormais il n'ose plus, il ne peut plus entrer; et bien des voix sont
mortes qui l'acclamaient en nous.
Je me souviens de c
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