oit prochainement veuve avec
un ou deux enfants qui seront les miserables heritiers de leur pere pour
la sante, faites ce mariage qui, pour vous, maintenant avertie, serait
un crime."
--Vous voyez! dit madame de Barizel.
Roger ne repondit pas; mais silencieusement il regarda cette lettre qui
tremblait entre ses doigts.
--Si nous ne vous connaissions pas depuis longtemps, continua madame
de Barizel, il est certain que cette lettre au lieu de m'inspirer un
profond mepris, m'aurait jetee dans une angoisse terrible: heureusement,
je sais par experience que les craintes qu'elle voudrait provoquer
ne sont pas fondees, et c'est pour cela que je vous la communique,
uniquement pour cela, pour que vous vous teniez en garde contre les
ennemis odieux qui recourent a de pareilles armes.
--D'ennemis, je n'en ai qu'un, dit Roger, mon grand-pere, et je suis
aussi certain que cette lettre est de lui que si je l'avais entendu la
dicter: il voudrait m'empecher de me marier afin qu'un jour son autre
petit-fils, celui qu'il aime, herite de mon titre et de mon nom et pour
cela il ne recule devant aucun moyen. Pour conserver ma fortune, il m'a
fait nommer autrefois un conseil judiciaire; maintenant pour m'empecher
d'avoir des enfants, il ecrit ces lettres infames.
Violemment il la froissa dans sa main crispee.
--Je comprends, dit madame de Barizel, que vous soyez profondement
blesse et peine; mais au moins ne vous inquietez pas, de pareilles
denonciations ne peuvent rien sur mes resolutions, et pour Corysandre,
il n'est pas besoin de vous dire, n'est-ce pas, qu'elle n'en sait et
n'en saura jamais rien?
En voyant comment madame de Barizel accueillait ces revelations, il
pouvait ne pas s'inquieter pour son mariage, mais pour lui-meme il ne
pouvait pas ne pas penser a cette lettre.
Il etait vrai que son pere etait mort jeune; il etait vrai que sa mere
etait poitrinaire: il etait vrai que lui-meme depuis son enfance avait
ete bien souvent malade. Etait-il donc condamne a transmettre a ses
enfants les maladies hereditaires qu'il aurait recues de ses parents?
Une main hippocratique? Qu'etait-ce que cela? Avait-il vraiment la main
hippocratique?
Sa journee, dont il s'etait promis tant de bonheur fut empoisonnee, et
le charmant sourire de Corysandre, sa douce parole, ses regards tendres
ne parvinrent pas toujours a chasser les nuages qui assombrissaient son
front.
A un certain moment il vit dans la foule un medecin parisien q
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