lors mets ta main dans la mienne, s'ecria-telle, la condition que
tu m'imposes, je la tiens, et les preuves que tu exiges, je te les
donnerai, non pas dans un delai que je pourrais allonger, non pas
demain, mais tout de suite, car ces preuves, je les ai la, les voici:
Disant cela, elle tira une liasse de papiers de la poche de sa robe
et la presenta a Roger, qui, pret a la prendre, eut un mouvement de
repulsion.
--Mais, avant de te les mettre sous les yeux, continua-t-elle, il faut
que je t'explique comment elles sont venues entre mes mains. Je t'ai
dit que voulant empecher Savine de m'abandonner pour se marier, j'avais
envoye ici un homme sur, habitue a ce genre de recherches, qui devait
faire une enquete sur ce qu'etait celle que Savine allait epouser,
disait-on, et sur la famille de celle-ci. Mon homme me confirma ce
mariage, qui lui parut decide; mais les renseignements qu'il me donna
n'eurent pas une grande importance. Ils m'apprirent ce que tu as du voir
toi-meme sur l'interieur, les relations, les habitudes de madame de
Barizel, qui n'ont rien de respectable et qui sentent terriblement la
boheme.
Roger voulut l'interrompre.
--Il faut bien, dit-elle, que j'appelle les choses par leur nom;
d'ailleurs, madame de Barizel etant une etrangere, il n'y a rien
d'extraordinaire a ce qu'elle ne vive pas comme tout le monde. Si je
n'avais a parler que de cela, je n'en dirais rien. Sans me rapporter
rien de precis, mon homme m'en dit assez cependant pour me faire
comprendre que si je voulais poursuivre mon enquete en Amerique, je
pouvais en apprendre assez sur madame de Barizel pour empecher Savine de
devenir son gendre. C'etait grave d'envoyer un agent en Amerique et de
poursuivre la-bas des recherches de ce genre; cela exigeait de grands
frais. Mais, d'autre part, c'etait grave aussi de perdre Savine, et les
risques que je courais d'un cote n'etaient nullement en rapport avec les
chances que je pouvais m'assurer d'un autre. J'envoyai donc mon homme en
Amerique.
--Ah!
Il eut voulu retenir cette exclamation qui trahissait son emotion, mais
en voyant la tournure que prenaient les choses, il n'avait pas ete
maitre de ne pas la laisser echapper, car ce n'etait pas, comme il
l'avait suppose tout d'abord, de bavardages mondains qu'il allait etre
question, de racontages ramasses a Paris ou a Bade; ce que Raphaelle
avait fait pour son interet a elle, c'etait ce qu'il aurait voulu, ce
qu'il aurait du faire lui-meme pour
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