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de vertu: ce n'est pas sa belle-mere qu'on epouse, sans quoi on ne se
marierait jamais.
Cependant, comme il ne fallait rien negliger, il envoya une depeche a
son ami pour le prier d'aller sinon a la Nouvelle-Orleans pour suivre
cette enquete, au moins de la confier a quelqu'un de sur et, cela fait,
il se rendit chez madame de Barizel le coeur leger, plein de confiance,
ne pensant plus aux mauvaises paroles de Mautravers. Il allait
passer quelques heures avec Corysandre, la voir, l'entendre, quelle
preoccupation eut resiste a cette joie!
En arrivant il fut surpris de trouver un air sombre sur le visage de
madame de Barizel; avec inquietude il interrogea Corysandre du regard,
mais celle-ci ne lui repondit rien ou plutot le regard qu'elle attacha
sur lui ne parlait que de tendresse et d'amour.
Ce fut madame de Barizel elle-meme qui vint au-devant des questions
qu'il n'osait pas poser:
--J'aurais un mot a vous dire? fit-elle en passant dans le petit salon.
Il la suivit.
Elle tira une lettre de sa poche:
--Voici une lettre que je viens de recevoir, dit-elle, une lettre
anonyme qui vous concerne: j'ai hesite sur la question de savoir si je
vous la montrerais; mais, tout bien considere, je pense que vous devez
la connaitre.
Elle la lui tendit ouverte:
"Un de vos amis, qui est en meme temps l'admirateur de votre charmante
fille, se trouve vivement emu par le bruit qu'on fait courir du prochain
mariage de celle-ci avec M. le duc de Naurouse. Pour que vous donniez
votre consentement a ce mariage il faut que vous ne connaissiez pas le
jeune duc, ce qui n'est explicable que parce que vous etes etrangere.
Ce qu'est le duc moralement, je n'en veux dire qu'un mot: jamais il
n'aurait ete admis par une famille francaise honorable qui aurait eu
souci du bonheur de sa fille. Mais ce qu'il est physiquement, je veux
vous l'expliquer: il est ne d'un pere qui portait en lui le germe de
plusieurs maladies mortelles, auxquelles il a d'ailleurs succombe jeune
encore, et d'une mere qui est morte poitrinaire. Il a herite et de son
pere et de sa mere. Si vous en doutez, examinez-le attentivement: voyez
ses pommettes saillantes; ses yeux vitreux, son teint pale; surtout
regardez bien sa main hippocratique, qui, pour tous les medecins, est un
des signes les plus certains de la tuberculose pulmonaire. Depuis son
enfance il a ete constamment malade et, en ces dernieres annees, tres
gravement. Si vous voulez que votre fille s
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