mediante!
...tragediante_!... C'etait bien la centieme fois que je
l'entendais raconter, cette terrible scene, toujours avec
les memes intonations, les memes gestes, et ce stereotype
[20]des traditions de famille qu'on se legue et qui restent la,
pueriles et locales, comme des histoires de couvent.
C'est egal, jamais elle ne m'avait paru si interessante.
Je l'ecoutais avec des soupirs hypocrites, des questions,
un air de faux interet, et tout le temps je me disais:
[25]"Demain matin, en apprenant que le pape n'est pas
mort, ils seront si contents que personne n'aura le courage
de me gronder."
Tout en pensant a cela, mes yeux se fermaient malgre
moi, et j'avais des visions de petits bateaux peints en
[30]bleu, avec des coins de Saone alourdis par la chaleur, et
de grandes pattes d'argyronetes courant dans tous les sens
et rayant l'eau vitreuse, comme des pointes de diamant.
Page 128
UN REVEILLON DANS LE MARAIS
CONTE DE NOEL
M. Majeste, fabricant d'eau de Seltz dans le Marais,
vient de faire un petit reveillon chez des amis de la place
Royale, et regagne son logis en fredonnant... Deux
heures sonnent a Saint-Paul. "Comme il est tard!" se
[5]dit le brave homme, et il se depeche; mais le pave glisse,
les rues sont noires, et puis dans ce diable de vieux quartier,
qui date du temps ou les voitures etaient rares, il y a
un tas de tournants, d'encoignures, de bornes devant les
portes a l'usage des cavaliers. Tout cela empeche d'aller
[10]vite, surtout quand on a deja les jambes un peu lourdes,
et les yeux embrouilles par les toasts du reveillon...
Enfin M. Majeste arrive chez lui. Il s'arrete devant un
grand portail orne, ou brille au clair de lune un ecusson,
dore de neuf, d'anciennes armoiries repeintes dont il a fait
[15]marque de fabrique:
HOTEL CI-DEVANT DE NESMOND
MAJESTE JEUNE
FABRICANT D'EAU DE SELTZ
Sur tous les siphons de la fabrique, sur les bordereaux,
[20]les tetes de lettres, s'etalent ainsi et resplendissent les
vieilles armes des Nesmond.
Apres le portail, c'est la cour, une large cour aeree et
claire, qui dans le jour en s'ouvrant fait de la lumiere a
toute la rue. Au fond de la cour, une grande batisse tres
[25]ancienne, des murailles noires, brodees, ouvragees, des
balcons de fer arrondis, des balcons de pierre a pilastres,
Page 129
d'immenses fenetres tres-hautes, surmontees de frontons,
de chapiteaux qui s'elevent aux derniers etages comme
autant de petits toits dans l
|