voir mon livret.
"Bon, le mien est la... Je l'ai fait viser avant de partir
...Mais c'est egal, tous ces meurtres ne nous annoncent
[5]rien de bon... Je crains que nous ne fassions pas nos
affaires ici... Bien des familles sont dans le deuil... et
d'ailleurs les ennuis, les inquietudes...
--Bah! tu vois tout en noir," lui dis-je.
Nous continuames a causer de ces evenements etranges
[10]jusque passe minuit. Le feu de notre petit poele eclairait
toute la chambre. De temps en temps une souris attiree
par la chaleur glissait comme une fleche le long du mur.
On entendait le vent s'engouffrer dans les hautes cheminees
et balayer la poussiere de neige des gouttieres. Je songeais
[15]a Annette. Le silence s'etait retabli.
Tout a coup Wilfrid, otant sa veste, s'ecria:
"Il est temps de dormir... Mets encore une buche au
fourneau et couchons-nous.
--Oui, c'est ce que nous avons de mieux a faire."
[20]Ce disant, je tirai mes bottes, et deux minutes apres
nous etions etendus sur la paillasse, la couverture tiree
jusqu'au menton, un gros rondin sous la tete pour oreiller.
Wilfrid ne tarda point a s'endormir. La lumiere du petit
poele allait et venait... Le vent redoublait au dehors...
[25]et, tout en revant, je m'endormis a mon tour comme un
bienheureux.
Vers deux heures du matin je fus eveille par un bruit
inexplicable; je crus d'abord que c'etait un chat courant
sur les gouttieres; mais ayant mis l'oreille contre les
[30]bardeaux, mon incertitude ne fut pas longue: quelqu'un
marchait sur le toit.
Je poussai Wilfrid du coude pour l'eveiller.
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"Chut!" fit-il en me serrant la main.
Il avait entendu comme moi. La flamme jetait alors
ses dernieres lueurs, qui se debattaient contre la muraille
decrepite. J'allais me lever, quand, d'un seul coup, la
[5]petite fenetre, fermee par un fragment de brique, fut
poussee et s'ouvrit: une tete pale, les cheveux roux, les
yeux phosphorescents, les joues fremissantes, parut...,
regardant a l'interieur. Notre saisissement fut tel que
nous n'eumes pas la force de jeter un cri. L'homme passa
[10]une jambe, puis l'autre, par la lucarne et descendit dans
notre grenier avec tant de prudence, que pas un atome ne
bruit sous ses pas.
Cet homme, large et rond des epaules, court, trapu, la
face crispee comme celle d'un tigre a l'affut, n'etait autre
[15]que le personnage bonasse qui nous avait donne des conseils
sur la route de Heidelberg. Que sa physionomie nous
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