i vous
daignez m'entendre."
Un silence profond s'etablit autour de moi; tous les
assistants se regardaient l'un l'autre avec stupeur; mes
pauvres camarades parurent se ranimer.
[25]"Qui etes-vous, monsieur? me demanda le bailli revenu
de son emotion.
--Je suis le compagnon de ces infortunes, et je n'en ai
pas honte, car tous, monsieur le bailli, tous, quoique
pauvres, sont d'honnetes gens... Pas un d'entre eux
[30]n'est capable de commettre les crimes qu'on leur
impute."
Il y eut un nouveau silence. La grande Berthe se prit
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sangloter tout bas; le bailli parut se recueillir. Enfin,
me regardant d'un oeil fixe:
"Ou donc pretendez-vous nous livrer l'assassin?
--Ici meme, monsieur le bailli... dans cette maison
[5]...Et, pour vous convaincre, je ne demande qu'un instant
d'audience particuliere.
--Voyons," dit-il en se levant.
Il fit signe au chef de la police secrete, Madoc, de nous
suivre, aux autres de rester. Nous sortimes.
[10]Je montai rapidement l'escalier. Ils etaient sur mes
pas. Au troisieme, m'arretant devant la fenetre et
leur montrant les traces de l'homme imprimees dans la
neige:
"Voici les traces de l'assassin, leur dis-je... C'est ici
[15]qu'il passe chaque soir... Il est venu hier a deux heures
lu matin... Il est revenu cette nuit... Il reviendra sans
doute ce soir."
Le bailli et Madoc regarderent les traces quelques
instants sans murmurer une parole.
[20]"Et qui vous dit que ce sont les pas du meurtrier?
me demanda le chef de la police d'un air de doute.
Alors je leur racontai l'apparition de l'assassin dans
notre grenier. Je leur indiquai, au-dessus de nous, la
lucarne d'ou je l'avais vu fuir au clair de lune, ce que
[25]n'avait pu faire Wilfrid, puisqu'il etait reste couche... Je
leur avouai que le hasard seul m'avait fait decouvrir les
empreintes de la nuit precedente.
"C'est etrange, murmurait le bailli; ceci modifie beaucoup
la situation des accuses. Mais comment nous
[30]expliquez-vous la presence du meurtrier dans la cave de
l'auberge?
--Ce meurtrier, c'etait moi, monsieur le bailli!"
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Et je lui racontai simplement ce qui s'etait passe la
veille, depuis l'arrestation de mes camarades jusqu'a la
nuit close, au moment de ma fuite.
"Cela suffit," dit-il.
[5]Et se tournant vers le chef de la police:
"Je dois vous avouer, Madoc, que les depositions de ces
menetriers ne m'ont jamais paru concluantes; elles etaient
loin de me conf
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