litteraire au moment d'une grande croisade des "modernes", et il prend
parti contre les modernes avec decision. Il defend, contre Lamotte,
Homere, la tragedie en vers et les trois unites; il defend, contre
Montesquieu, la poesie elle-meme qu'il sent meprisee par le
raisonnement, la didactique, la science sociale et le jeu des idees
pures. Nul doute n'est possible sur ses intentions. On est en reaction,
autour de lui, contre tout le XVIIe siecle; il veut, lui, que l'on
continue le XVIIe siecle, que l'on rime plus que jamais, et que, plus
que jamais, on fasse des tragedies, des odes et des poemes epiques. Il
en fait, pour donner l'exemple, et ramene vivement son siecle, qui sans
lui, certainement, s'en ecartait, a la litterature d'imagination.
Et, sur cela, vous croyez qu'il est _ancien_, a la facon d'un Racine,
d'un Boileau, d'un Fenelon et d'un La Bruyere, ou, ce qui est mieux
encore, un ancien avec de vives clartes et tres heureux reflets des
litteratures modernes, comme un La Fontaine. Nullement. Il n'a guere
perdu une occasion de mettre le Tasse et l'Arioste au-dessus d'Homere,
de profiter malignement des maladresses d'Euripide et de taquiner Homere
sur ce qu'il a parfois de primitif et d'enfantin. Pindare pour lui
n'existe pas, a quoi l'on peut mesurer le chemin parcouru en arriere
depuis Boileau. La tragedie francaise est incomparablement superieure
a la tragedie grecque. Aristophane n'est qu'un plat bouffon, indigne
d'interesser un moment les honnetes gens; Virgile, tres superieur
a Homere du reste, a surtout des qualites de belle composition et
d'ordonnance. Bref, Voltaire est un classique qui ne comprend a peu
pres rien a l'antiquite. Il est curieux, quand on lit Chateaubriand,
de reconnaitre a chaque page que, du revolutionnaire et du classique
conservateur, c'est le revolutionnaire qui a le plus vivement, le plus
puissamment, le plus completement, le sens de l'antiquite.
C'est que Voltaire, en cela comme en toute chose, n'a pas le fond. C'est
comme son originalite. Il est classique en litterature comme il est
conservateur ou monarchiste en politique, sans savoir ce que c'est qu'un
classique, non plus que ce que c'est qu'un conservateur. En cela, comme
en autre affaire, c'est aux formes et a l'exterieur des choses qu'il
s'attache. Le gout classique, pour lui, ce n'est pas forte connaissance
de l'homme, passion du vrai et ardeur a le rendre, imagination energique
et male associant l'univers a la pensee de l'
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