s de naissance, qui disent: "ce n'est
pas comme cela qu'on fait un ouvrage; c'est comme ceci"; et qui
ajoutent, le moment d'apres, ou l'annee suivante: "et je vais le
montrer, en en faisant un". On reconnait generalement les premiers a ce
qu'ils ne s'adonnent qu'a un genre d'ouvrages, et ensuite prescrivent
des regles d'art qui ne s'appliquent bien qu'a ce genre-la. Tels Buffon
et Corneille. On reconnait generalement les autres a ce qu'ils ont des
idees de critique sur tous les genres d'ouvrage, et s'aventurent a
composer des oeuvres a peu pres de tous les genres. Tels Marmontel,
Laharpe, a cent degres plus haut tel Voltaire.--Seulement Voltaire,
outre ce talent ou plutot cette souplesse a transformer sa critique en
exemples agreables, qu'il prend et donne pour des modeles, a un talent
original, et peut-etre deux. Il a un genie de curiosite, et c'est ce qui
en fera un bon historien; il a un genie de coquetterie, de bonne grace,
d'habilete a bien faire les honneurs de lui-meme, et c'est ce qui en
fera un conteur, un rimeur de petits vers charmants, et un epistolier
des plus aimables.
Commencons par ceux de ses ouvrages ou l'inspiration n'est que de la
critique qui s'echauffe.
Ce sont ses poesies, ses tragedies, ses comedies. Ils ont deux defauts,
dont le premier est precisement d'etre nes d'une idee et non d'un
transport de l'ame tout entiere, de l'intelligence et non de tout
l'etre, et par consequent de rester froids; dont le second, consequence
du premier, est d'etre presque toujours des oeuvres d'imitation; car
la critique qui invente ne peut guere etre que de l'imitation qui se
surveille, et qui surveille son modele, de l'imitation avisee qui
corrige ce qui redresse, mais de l'imitation encore.
C'est la les caracteres essentiels de tous les _grands_ ouvrages
artistiques de Voltaire. De quoi est nee la _Henriade?_ Du traite sur
le poeme epique qui l'accompagne, soyez-en surs. Le traite a ete fait
apres; mais il a ete pense avant. Voltaire s'est dit: "Homere brillant,
mais diffus et enfantin; Virgile elegant, mais souvent froid, avec un
heros qu'on n'aime point; Lucain declamateur, mais vigoureux, "penseur",
eloquent, bon historien. Ce qu'il faut dans un poeme epique, c'est
un heros sympathique une histoire vraie et grande, des pensees
philosophiques, des discours brillants, un peu de merveilleux, car
vraiment Lucain est trop sec, mais un merveilleux civilise, moderne et
philosophique, et des vers d'une prose sol
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