s les batailles. Cette force est l'origine de tout pouvoir chez les
hommes; par cette superiorite seule les nations du Nord ont conquis
notre hemisphere depuis la Chine jusqu'a l'Atlas."
Voila a quoi sert de savoir quelque chose. De ses excursions a travers
toutes les litteratures a peu pres, et toutes les histoires, Voltaire
a rapporte de quoi temperer quelquefois ce que son esprit avait
naturellement d'imperieux dans la soumission. D'Angleterre il tient un
demi-shakspearianisme, qui, au moins, nous le verrons, doit diversifier
ses procedes d'imitation. De ses Italiens il tient un certain gout de
fantaisie folle qui l'ecartera par moments (mais beaucoup trop) de son
ferme propos de noblesse academique dans l'art. De ses Espagnols, qui
n'ont que de l'imagination, comme il n'en a pas, il ne tire rien. Mais,
tout compte fait, sa critique, quoique en son fond plus etroite que
celle de Boileau, a quelques echappees, pour ne pas dire hardiesses, et
quelques saillies, assez heureuses. Il a loue eternellement Quinault, il
est vrai, et c'est un crime, et sans excuse, car tout ce qu'il en cite
a l'appui de sa louange est d'une platitude incomparable; mais il a
invente _Athalie_, et c'est une gloire. C'est qu'il etait homme de
theatre, grand premier role de naissance, et que la grandeur du
spectacle le ravissait. Il a, plus tard, vingt fois, dementi cet
enthousiasme, en faisant remarquer combien _Athalie_ est d'un mauvais
exemple. C'est qu'il est monarchiste et anticlerical; mais ces vingt
passages, on ne veut pas les lire, et on a raison.
En somme, il aimait passionnement la litterature, ce qui est tres bien,
sans la bien comprendre, ce qui est etrange. Cela tient a ce qu'il
n'etait pas poete et a ce qu'il se sentait tres bon ecrivain. Cette
complexion mene a etre un ouvrier infiniment adroit et prestigieux, qui,
sans bien sentir l'art, se donne, et meme aux autres, l'illusion qu'il
est un artiste.
V
SON ART LITTERAIRE
J'ai commence l'etude de Voltaire artiste par l'etude de Voltaire
critique. Ce n'est pas sans raison. Je crois en effet que l'art dans
Voltaire n'est guere que de la critique qui se developpe, et qui se
donne a elle-meme des raisons par des exemples. Il y a des hommes de
genie qui se transforment en critiques, pour leurs besoins, et alors
ils donnent comme regle de l'art la confidence de leurs procedes.
Tels Corneille et Buffon. Il y a des hommes de gout, de finesse,
d'intelligence qui sont critique
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