sion; vous aurez
celle de Voltaire, et l'explication, du meme coup, de ce qu'il y a,
manifestement, d'artificiel, de sec, d'inconsistant et de creux dans
l'art de Voltaire et de son groupe.
Et aussi ce soutien et cet appui dont s'aidaient les hommes du XVIIe
siecle, l'imitation de l'antiquite, destituez-le de sa force de sa vertu
premiere, reduisez-le a n'etre plus un art de penser comme les anciens,
et un commerce perpetuel avec eux, et une puissance de renouvellement
par leur exemple; reduisez-le a n'etre plus qu'un instinct et une
habitude d'imitation, et un procede d'ouvrier avise et habile; et un
procede s'appliquant aux modeles les plus differents, a Virgile comme a
Camoens, a Arioste ainsi qu'a Shakspeare: et s'appliquant, encore, a des
modeles qui sont deja en partie des imitations, c'est-a-dire aux oeuvres
du XVIIe siecle: vous avez un autre aspect de l'art poetique et un autre
secret de la facon de travailler de Voltaire; et vous arrivez, par tout
chemin, a vous convaincre que cet art est l'art, moins le fond de l'art.
Est-ce la tout ce qui constitue le gout litteraire de Voltaire? Non pas!
N'oublions jamais, en parlant d'un homme, la qualite maitresse, petite
ou grande, qui fait son originalite. L'originalite de Voltaire, c'est
son instinct de _curiosite_. C'est par la que, de tous cotes, il echappe
a ses faiblesses. Une partie du role litteraire de Voltaire, c'est
d'avoir resiste a la reaction contre le XVIIe siecle, et d'avoir soutenu
que le XVIIe siecle etait grand; mais une autre partie de son role,
c'est d'avoir furete partout. Si etroit d'esprit qu'on puisse etre
accuse d'etre, on ne va point partout sans en rapporter quelque chose.
Il sait beaucoup d'histoire, de litterature, d'histoire de moeurs. Cela
fait que son gout, etroit pour nous, est quelquefois plus large que
celui de ses contemporains. Il les redresse, a la rencontre, fort
heureusement. S'il trouve des enfantillages dans Homere, tel des hommes
de son temps y trouvait des grossieretes qu'il ne tient pas pour telles.
"Peut-on supporter, disait-on autour de lui, Patrocle mettant trois
gigots de mouton dans une marmite?..."--"Eh! mon Dieu, repond Voltaire,
c'est que vous n'avez rien vu. Charles XII a fait six mois sa cuisine a
Demir-Tocca, sans perdre rien de son heroisme."--"Pourquoi tant louer la
force physique de ses heros? Cela n'est pas du ton de la cour."--"Non,
mais avant l'invention de la poudre, la force du corps decidait de tout
dan
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