en-Island.
XXVII
J'ai dit que le gouvernement francais projetait d'envoyer de nouveaux
secours en Amerique. Des les premiers jours d'avril 1782, il avait
en effet reuni dans le port de Brest plusieurs fregates et un convoi
nombreux de vaisseaux marchands et de batiments de transport, ainsi
que deux bataillons de recrues destinees a renforcer l'armee de
Rochambeau. M. le comte de Segur, fils du ministre de la guerre, qui
avait obtenu la place de colonel en second de Soissonnais a la place
de M. de Noailles, recut l'ordre d'en prendre le commandement, de les
inspecter et de les instruire jusqu'au moment du depart. Mais une
escadre anglaise, informee de ces preparatifs et favorisee par les
vents, qui etaient contraires aux Francais, vint croiser devant la
rade, de sorte que le depart dut etre differe de six semaines et qu'au
bout de ce temps la fregate la _Gloire_ recut l'ordre de partir seule,
emportant une somme de deux millions destinee a l'armee de Rochambeau,
et un grand nombre d'officiers au nombre desquels se trouvaient:
le duc de Lauzun, le comte de Segur, le prince de Broglie, fils du
marechal; M. de Montesquieu, le petit-fils de l'auteur de _l'Esprit
des lois_; de Viomenil fils, de Laval, le comte de Lomenie, de
Sheldon, officier d'origine anglaise; un gentilhomme polonais,
Polleresky; un aide de camp du roi de Suede, M. de Ligliorn; le
chevalier Alexandre de Lameth, qui allait prendre la place de son
frere Charles; le vicomte de Vaudreuil, fils du capitaine de vaisseau
de ce nom; en outre, MM. de Brentano, de Ricci, de Montmort, de
Tisseul et d'autres.
Cette fregate de trente-deux canons de douze etait commandee par M.
de Valongne, vieux marin qui malgre son merite n'etait encore que
lieutenant de vaisseau. Elle mit a la voile le 19 mai 1782, par
une brise assez fraiche pour que l'on put esperer d'echapper a la
vigilance de la flotte anglaise; mais a peine etait-elle a trois
lieues en mer qu'une tempete violente la jeta vers la cote. L'arrivee
des vingt-deux croiseurs anglais l'obligea a suivre longtemps encore
ces parages dangereux. Lorsque le calme revint, un mat de la _Gloire_
etait casse; elle dut rentrer dans la Loire et relacher a Paimboeuf
pour se reparer. Jusqu'au 15 juillet, elle resta ainsi sur les cotes
de France, recevant tantot l'ordre de mettre a la voile, tantot
l'injonction d'attendre, et se promenant de Brest a Nantes, de Nantes
a Lorient, puis de Lorient a Rochefort. Dans ce dernie
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