pris un developpement qui
aurait bien etonne le premier des Daguillon si, revenant au monde, il
avait pu voir, a partir de 1850, la chiffre des inventaires de ses
heritiers.
Il est vrai que dans cette direction il avait ete puissamment aide par
sa femme, personne de tete, intelligente, courageuse, resolue, apre au
gain, dure a la fatigue, en un mot, une de ces femmes de commerce qu'il
n'etait pas rare de rencontrer il y a quelques annees dans la
bourgeoisie parisienne, assises a leur comptoir ou derriere le grillage
de leur caisse, ne sortant jamais, travaillant toujours, et n'entrant
dans leur salon, quand elles en avaient un, que le dimanche soir.
En unissant ainsi leurs efforts, le mari et la femme n'avaient point eu
pour but de quitter au plus vite les affaires, apres fortune faite, pour
vivre bourgeoisement de leurs rentes. Vivre de ses rentes, l'heritiere
des Daguillon l'eut pu, et meme tres-largement, a l'epoque a laquelle
elle s'etait mariee. Pour cela elle n'aurait eu qu'a vendre sa maison de
commerce. Mais l'inaction n'etait point son fait, pas plus que les
loisirs d'une existence mondaine n'etaient pour lui plaire. C'etait
l'action au contraire qu'il lui fallait, c'etait le travail qu'elle
aimait, et ce qui la passionnait c'etaient les affaires, c'etait le
commerce pour les emotions et les orgueilleuses satisfactions qu'ils
donnent avec le succes.
Il etait venu ce succes, grand, complet, superbe, et a mesure qu'etaient
arrivees les medailles et les decorations, a mesure qu'avait grossi le
chiffre des inventaires, les satisfactions orgueilleuses etaient venues
aussi, de sorte que d'annees en annees le mari et la femme, avaient ete
de plus en plus fiers de leur nom: Haupois-Daguillon, c'etait tout dire.
Deux enfants etaient nes de leur mariage, une fille, l'ainee, et, par
une grace vraiment providentielle, un fils qui continuerait la dynastie
des Daguillon.
Mais les reves ou les projets des parents ne s'accordent pas toujours
avec la realite. Bien que ce fils eut ete eleve en vue de diriger un
jour la maison de la rue Royale et de devenir un vrai Daguillon, il
n'avait montre aucune disposition a realiser les esperances de ses
parents, et la gloire de sa maison avait paru n'exercer aucune
influence, aucun mirage sur lui.
Cette froideur s'etait manifestee des son enfance; et alors qu'il
suivait les cours du lycee Bonaparte et qu'il venait le jeudi ou pendant
les vacances passer quelques heures dans l
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