la ...--et elle donc! Elle
pleurait comme une fontaine, en me suppliant de ne pas la trahir, de ne
pas la perdre. Je promis tout ce qu'elle voulut, et je m'en allai dans
un etat d'esprit epouvantable.
Que faire? J'avais abuse de ma cliente. Cela n'eut ete rien si j'avais
eu un client pour elle, mais je n'en avais pas. C'etait moi, le client,
le client naif, le client trompe, trompe par lui-meme. Quelle situation!
Je pouvais la lacher, c'est vrai. Mais la dot, la belle dot, palpable,
sure! Et puis avais-je le droit de la lacher, la pauvre fille, apres
l'avoir ainsi surprise? Mais que d'inquietudes plus tard!
Combien peu de securite avec une femme qui succombait ainsi!
Je passai une nuit terrible d'indecision, torture de remords, ravage de
craintes, ballotte par tous les scrupules. Mais, au matin, ma raison
s'eclaircit. Je m'habillai avec recherche et je me presentai, comme onze
heures sonnaient, a l'hotel qu'elle habitait.
En me voyant, elle rougit jusqu'aux yeux.
Je lui dis:
--Mademoiselle, je n'ai plus qu'une chose a faire pour reparer nos
torts. Je vous demande votre main.
Elle balbutia:
--Je vous la donne.
Je l'epousai.
* * * * *
Tout alla bien pendant six mois.
J'avais cede mon etude, je vivais en rentier, et vraiment je n'avais pas
un reproche, mais pas un seul a adresser a ma femme.
Cependant je remarquais peu a peu que, de temps en temps, elle faisait
de longues sorties. Cela arrivait a jour fixe, une semaine le mardi,
l'autre le vendredi. Je me crus trompe, je la suivis.
C'etait un mardi. Elle sortit a pied vers une heure, descendit la rue
de la Republique, tourna a droite, par la rue qui suit le palais
archiepiscopal, prit la rue Grand-Pont jusqu'a la Seine, longea le pont
de Pierre, traversa l'eau. A partir de ce moment, elle parut inquiete,
se retournant souvent, epiant tous les passants.
Comme je m'etais costume en charbonnier, elle ne me reconnut pas.
Enfin, elle entra dans la gare de la rive gauche; je ne doutais plus,
son amant allait arriver par le train d'une heure quarante-cinq.
Je me cachai derriere un camion et j'attendis. Un coup de sifflet ... un
flot de voyageurs ... Elle s'avance, s'elance, saisit dans ses bras
une petite fille de trois ans qu'une grosse paysanne accompagne, et
l'embrasse avec passion. Puis elle se retourne, apercoit une autre
enfant, plus jeune encore, fille ou garcon, porte par une autre
campagnarde, se jette
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