esordres. Les deux cotes de l'assemblee
semblaient conspirer pour etablir cette opinion; tous deux supposaient une
influence secrete, et s'accusaient reciproquement d'en etre complices. Une
scene etrange confirma encore cette opinion generale. La section
Poissonniere, en presentant des volontaires, demanda un acte d'accusation
contre Dumouriez, le general sur qui reposait dans le moment toute
l'esperance de l'armee francaise. A cette petition, lue par le president
de la section, un cri general d'indignation s'eleve. "C'est un
aristocrate, s'ecrie-t-on, paye par les Anglais!" Au meme instant on
regarde le drapeau que portait la section, et on s'apercoit avec
etonnement que la cravate en est blanche, et qu'il est surmonte par des
fleurs de lis. Des cris de fureur eclatent a cette vue; on dechire les
fleurs de lis et la cravate, et on les remplace par un ruban tricolore
qu'une femme jette des tribunes. Isnard prend aussitot la parole pour
demander un acte d'accusation contre le president de cette section; plus
de cent voix appuient cette motion, et dans le nombre, celle qui fixe le
plus l'attention, est celle de Marat. "Cette petition, dit-il, est un
complot, il faut la lire tout entiere: on verra qu'on y demande la tete de
Vergniaud, Guadet, Gensonne... et autres; vous sentez, ajoute-t-il, quel
triomphe ce serait pour nos ennemis qu'un tel massacre! ce serait la
desolation de la convention..." Ici des applaudissemens universels
interrompent Marat; il reprend, denonce lui-meme l'un des principaux
agitateurs, nomme Fournier, et demande son arrestation. Sur-le-champ elle
est ordonnee; toute l'affaire est renvoyee au comite de surete generale;
et l'assemblee ordonne qu'il soit envoye a Dumouriez copie du
proces-verbal, pour lui prouver qu'elle ne partage pas a son egard les
torts des calomniateurs.
Le jeune Varlet, ami et compagnon de Fournier, accourt aux Jacobins pour
demander justice de son arrestation, et proposer d'aller le delivrer.
"Fournier, dit-il, n'est pas le seul menace; Lasouski, Desfieux, moi-meme
enfin, le sommes encore. Le tribunal revolutionnaire qu'on vient d'etablir
va tourner contre les patriotes comme celui du 10 aout, et les freres qui
m'entendent ne sont plus jacobins s'ils ne me suivent." Il veut ensuite
accuser Dumouriez, et ici un trouble extraordinaire eclate dans la
societe; le president se couvre, et dit qu'on veut perdre les jacobins.
Billaud-Varennes lui-meme monte a la tribune, se plaint de ces
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