ps. Apres l'avoir vu pendant deux minutes et l'avoir ecoute
pendant dix, on le connait, comme si l'on avait vecu des annees avec
lui.
Au physique, un homme de taille moyenne, aux epaules larges et a la
poitrine puissante; un torse et une encolure de taureau; tous ses
cheveux, qu'il porte coupes, ras, et qui lui font comme une calotte
d'autant plus blanche que le front, les oreilles et le cou sont plus
rouges; toutes ses dents solidement plantees dans de fortes machoires
qui font saillie de chaque cote de la figure, comme celles d'un
carnassier; une voix sonore qui dans une bataille jetant le cri: "En
avant!" devait dominer le tapage des tambours battant la charge. Avec
cela, une tenue et une attitude regimentaires; un col de crin tenant la
tete droite; une redingote bleue boutonnee d'un seul rang de boutons
comme une tunique, et cousu, sur le drap meme, a la place du coeur, le
ruban de la Legion d'honneur.
Au moral, deux mots l'expliqueront:--une culotte de peau, qui a ete un
sabreur.
--C'est donc au mariage de mademoiselle Bedarrides que vous avez
rencontre ma fille?
--Oui, general.
--Bonnes gens, ces Bedarrides. Je les connais beaucoup; ca n'apprecie
que la fortune; ca se croit quelque chose parce que ca a des millions;
mais, malgre tout, bonnes gens qui rendent a l'officier ce qu'ils lui
doivent.
--Pour moi, je leur suis reconnaissant de m'avoir fourni l'occasion de
faire la connaissance de mademoiselle votre fille, et par la la votre,
general.
--Ma fille m'a dit que vous venez a Cassis pour visiter le fort et
savoir ce qu'on en peut tirer de bon; est-ce cela?
--Precisement.
--Mais ce n'est pas vraisemblable.
Je fus un moment deconcerte; mais me remettant bientot, je tachai de
m'expliquer, et lui repetai la fable que j'avais deja debitee a sa
fille.
--C'est bien la ce que Clotilde m'a dit, mais je ne voulais pas le
croire; comment, il y a dans la commission de la defense de nos cotes
des officiers assez betes pour s'occuper de ca; c'est un marin, n'est-ce
pas? ce n'est pas un militaire.
J'evitai de repondre directement, car il ne me convenait pas de trop
preciser dans une affaire aussi sottement engagee.
--Peut-etre veut-on transformer le fort en prison; peut-etre veut-on
vendre le terrain; je ne sais rien autre chose si ce n'est qu'on m'a
demande comme service, et en dehors de toute mission officielle, de
faire quelques dessins de ce fort et de les envoyer a Paris avec les
renseignem
|