interrogee hier par quelqu'un qui voulait avoir des
renseignements sur toi, a dit que tu n'as passe qu'une nuit chez
sa mere, et que tu as disparu sans que personne sache ce que tu as
fait depuis ce temps-la."
Perrine avait ecoute le commencement de cet interrogatoire avec
emoi, mais a mesure qu'il avancait elle s'etait affermie.
"Il y a quelqu'un qui sait ce que j'ai fait depuis que j'ai quitte
la chambree de mere Francoise.
-- Qui?
-- Rosalie, sa petite-fille, qui peut vous confirmer ce que je
vais vous dire, si vous trouvez que ce que j'ai pu faire depuis ce
jour merite d'etre connu de vous.
-- La place que je te destine aupres de moi exige que je sache ce
que tu es.
-- Eh bien, monsieur, je vais vous le dire. Quand vous le saurez,
vous ferez venir Rosalie, vous l'interrogerez sans que je l'aie
vue, et vous aurez la preuve que je ne vous ai pas trompe.
-- Cela peut en effet se faire ainsi, dit-il d'une voix adoucie,
raconte donc."
Elle fit ce recit en insistant sur l'horreur de sa nuit, dans la
chambree, son degout, ses malaises, ses nausees, ses suffocations.
"Ne pouvais-tu supporter ce que les autres acceptent?
-- Les autres n'ont sans doute pas vecu comme moi en plein air,
car je vous assure que je ne suis difficile en rien, ni sur rien,
et que la misere m'a appris a tout endurer; je serais morte; et je
ne pense pas que ce soit une lachete d'essayer d'echapper a la
mort.
-- La chambree de Francoise est-elle donc si malsaine?
-- Ah! monsieur, si vous pouviez la voir, vous ne permettriez pas
que vos ouvrieres vivent la.
-- Continue."
Elle passa a sa decouverte de l'ile, et a son idee de s'installer
dans l'aumuche.
"Tu n'as pas eu peur?
-- Je suis habituee a n'avoir pas peur.
-- Tu parles de l'entaille qui se trouve la derniere sur la route
de Saint-Pipoy, a gauche?
-- Oui, monsieur.
-- Cette aumuche m'appartient et elle sert a mes neveux. C'est
donc la que tu as dormi?
-- Non seulement dormi, mais travaille, mange, meme donne a diner
a Rosalie, qui pourra vous le raconter; je ne l'ai quittee que
pour Saint-Pipoy quand vous m'avez dit de rester a la disposition
des monteurs, et cette nuit pour loger chez mere Francoise, ou je
peux maintenant me payer un cabinet pour moi seule.
-- Tu es donc riche que tu peux donner a diner a ta camarade?
-- Si j'osais vous dire.
-- Tu dois tout me dire.
-- Est-il permis de prendre votre temps pour des histoires de
petites fi
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