s, consoler les malheureux!
Et cette tache, le Ciel lui-meme la leur imposait; car ils pouvaient
seuls l'accomplir dignement, ces nobles inities aux fautes, aux
faiblesses dont ils avaient su se relever, ces martyrs de la vie,
malheureux au point qu'aucun malheur terrestre ne pouvait plus les
frapper.
--La carriere que tu choisis est penible! n'importe; je ne m'opposerai
point a ton desir, me flattant toutefois que tu ne tarderas pas a y
renoncer pour revenir pres de moi.
--Je vous remercie d'un consentement qui me permet d'essayer mes
forces; j'en espere trop peut-etre, car il me semble que je reussirai.
Qu'est-ce que les epreuves du pensionnat que naguere je trouvais si
cruelles, aupres de celles que j'ai subies depuis? Quel ne sera pas
mon bonheur, lorsque je pourrai diriger de jeunes eleves a travers
cette foule d'embarras qui causent leurs premieres douleurs et dont
j'ai deja acquis le droit de sourire? Les heureux ne savent pas
conseiller et guider les heureux, car il est dans notre nature
d'augmenter nos exigences pour nous et pour les autres, en proportion
des faveurs que le Ciel nous accorde. Celui qui a souffert et qui a su
se relever, sait seul developper dans de jeunes coeurs le sentiment
qui empeche le sien de se briser, en lui faisant accepter le plus
petit bienfait comme un grand bonheur.
--Je te le repete, chere enfant, je ne m'oppose point a ton projet;
mais je dois te faire une observation dont tu comprendras toi-meme
l'importance, car elle ne porte pas sur toi, mais sur cet excellent
et sage Professeur qui ne m'a pas laisse ignorer ses sentiments a ton
egard. En te destinant a la carriere ou il voulait te voir marcher a
ses cotes, tu lui deviendras chaque jour plus chere, et lorsqu'il
se sera accoutume a ta cooperation et a ta presence, tu le rendras
malheureux et incapable en l'abandonnant.
--Le sort a ete si severe envers moi, dit Ottilie, que tous ceux qui
osent m'aimer, sont peut-etre condamnes d'avance a de rudes epreuves.
Au reste, l'ami dont vous venez de me parler est si noble et si
genereux, que j'ose esperer qu'il finira par ne plus ressentir pour
moi que le saint respect qu'on doit a une personne vouee a une pieuse
expiation. Oui, il comprendra que je suis un etre consacre, qui ne
peut conjurer le mal immense qui plane sans cesse sur elle et sur les
autres, qu'en ne respirant plus que pour les puissances superieures
qui nous entourent d'une maniere invisible, et peuvent seules nous
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