oires; tantot il visitait la chambre qui devait servir
de demeure a Ottilie, et qui, malgre son singulier melange d'elegance
et de rusticite, lui paraissait un sejour celeste, et tantot il
formait des projets sur la maniere de se presenter a elle, et il se
demandait s'il devait la surprendre ou la preparer a sa presence.
Cette derniere opinion lui parut la plus sage, et il se mit a lui
ecrire le billet suivant.
EDOUARD A OTTILIE.
"Pendant que tu liras ce billet, ma bien-aimee, je serai la, tout pres
de toi. Ne t'en effraie point; que pourrais-tu craindre de ton ami? Je
ne te contraindrai pas a me recevoir, non; je ne me presenterai devant
toi que lorsque tu me l'auras permis.
"Avant de m'accorder ou de me refuser cette grace, songe a ta
position, a la mienne. Je te remercie de t'etre abstenue jusqu'ici de
toute demarche irrevocable; celle que tu es sur le point de faire,
cependant, est grave, significative. Je t'en conjure, reviens sur tes
pas, car tu marches vers un point ou nous serons forces de dire: La
notre route nous separe! Demande-toi de nouveau si tu peux, si tu
veux etre a moi. Si tu le peux, tu nous accorderas a tous un grand
bienfait, pour moi surtout, il sera incommensurable.
"Souffre que je te revoie, de ton consentement et avec joie. Que ma
bouche puisse t'adresser cette douce question: Veux-tu m'appartenir?
et que ta belle ame y reponde. Ma poitrine, Ottilie, cette poitrine
sur laquelle tu t'es appuyee quelquefois, c'est la ta place pour
toujours!..."
Tout en tracant ces mots, l'idee que l'objet de ses plus cheres
affections ne tarderait pas a arriver le saisit avec tant de force,
qu'il la croyait deja a ses cotes.
--C'est par cette porte qu'elle entrera, se dit-il; elle lira ce
billet, je la verrai en realite, ce ne sera plus une douce vision
comme il m'en est apparu tant de fois; mais sera-t-elle toujours la
meme? Son exterieur, ses sentiments seraient-ils changes?
Tenant toujours la plume a la main, il allait jeter sur le papier les
pensees qui se presentaient a son imagination. Au meme instant une
voiture entra dans la cour et il ajouta en hate les mots suivants:
"C'est toi, je t'entends arriver, adieu, pour un instant seulement,
adieu!"
Puis il plia le billet et ecrivit l'adresse; mais il etait trop tard
pour le cacheter, et il se sauva dans un cabinet qui donnait sur le
corridor, Se souvenant tout a coup qu'il avait laisse sur la table
sa montre et le cachet qui y etait att
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