nue.
Le Major dirigea son cheval vers le chateau. Lorsqu'il y arriva, on
lui apprit que Charlotte l'avait quitte pour aller habiter la maison
d'ete; on ajouta qu'en ce moment il ne l'y trouverait pas parce
qu'elle etait allee faire une visite dans les environs. Contrarie de
cette absence, il retourna au cabaret du village ou il avait laisse
son cheval, et ou il se promit d'attendre le retour de Charlotte.
Pendant ce temps, Edouard pousse par une impatience irresistible,
quitta sa retraite, suivit des sentiers tortueux et touffus, connus
seulement par les chasseurs et les pecheurs du voisinage; et qui le
conduisirent dans les nouvelles plantations de ses domaines. Vers la
fin du jour, il arriva enfin dans un des bosquets qui bordaient le
lac, dont le vaste miroir immobile s'offrit pour la premiere fois a
ses regards dans toute son etendue.
Dans la meme soiree Ottilie s'etait engagee dans une longue promenade
sur les rives du lac. L'enfant sur ses bras, et tenant un livre a la
main, elle lisait en marchant, suivant son habitude. Arrivee pres de
la touffe de vieux chenes qui ombrageait la place d'embarquement de
cette rive, elle s'apercut que l'enfant s'etait endormi. Se sentant
fatiguee elle-meme, elle le deposa sur le gazon, s'assit a ses cotes
et continua sa lecture. Ce livre etait un de ceux qui captivent et
interessent les caracteres impressionnables au point de leur faire
oublier la marche du temps. Tout entiere sous l'empire de ce charme,
Ottilie ne songea point aux heures qui s'ecoulaient ni a la longueur
du chemin qu'elle avait a faire pour revenir par terre a la maison
d'ete. Abimee ainsi dans sa lecture et en elle-meme, elle etait si
seduisante, que si les arbres et les buissons d'alentour avaient eu
des yeux, ils n'auraient pu s'empecher de l'admirer et de se rejouir a
sa vue. En ce moment un rayon oblique et rougeatre du soleil couchant
tombait sur son epaule et dorait ses joues.
Edouard avait reussi a 's'avancer dans ses domaines sans rencontrer
personne. Enhardi par ce succes, il penetra toujours plus avant et
sortit tout a coup des buissons qui croissaient sous le bouquet de
chenes et lui derobaient la vue du lac.
Au bruit des branches froissees, Ottilie detourna la tete, tous deux
se reconnurent! Edouard se precipita vers elle et tomba a ses pieds.
Apres un silence plein de charmes dont tous deux avaient besoin pour
se remettre, il lui expliqua enfin comment et pourquoi il se trouvait
en ce lieu
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