se montrait fort aimable
envers les passagers. Il semblait les encourager a passer encore la
derniere heure du jour dans la gaiete; serrait, en se promenant, la main
aux uns, offrait aux autres d'excellents cigares, et fit meme monter
quelques bouteilles de rhum, pour en verser un verre a ceux qui le
desiraient. Un murmure approbateur s'elevait sur son passage, et le cri
de "Vive notre brave capitaine!" retentissait autour de lui.
Pendant ce temps, les matelots echangeaient entre eux des regards
mysterieux, et semblaient se dire que les manieres amicales du capitaine
cachaient un secret.
Le capitaine laissa les passagers s'amuser jusqu'a dix heures du soir;
mais alors il leur fit comprendre, avec bonte, que chacun devait aller
se coucher dans la cabine qui lui etait designee. On aida des gens
fatigues a trouver leur lit, et le silence le plus complet regna enfin
sur le pont.
Vers minuit, les barques quitterent silencieusement le batiment et se
dirigerent vers la cote flamande de l'Escaut, puis revinrent aussi
mysterieusement avec de nouveaux passagers. Immediatement apres, les
marins, s'eclairant au moyen de lanternes, tirerent d'une cachette des
planches de sapin, et se mirent a clouer et marteler si fort, que le
pont en fut ebranle. Ce travail nocturne avait pour but d'ajuster, au
moyen de ces planches preparees d'avance, des lits pour les nouveaux
arrivants. Les passagers, endormis dans leurs cabines, ne s'etonnerent
guere de ce vacarme, car on avait eu la precaution de les avertir que,
pendant la nuit, on construirait, pour leur facilite, une nouvelle
cuisine.
Il existe dans le port d'Anvers, comme ailleurs, des reglements qui
determinent le nombre de voyageurs qu'un batiment peut prendre en raison
de sa grandeur. Une commission visite les navires avant leur depart,
compte les voyageurs, mesure la place assignee a chacun d'eux dans
l'entre-pont, et pese et examine les provisions, pour s'assurer
que les personnes qui s'embarquent ne manqueront ni d'espace ni de la
nourriture suffisante. Sur _le Jonas_, on avait trouve assez d'espace,
des provisions plus qu'il n'en fallait et tout etait en regle pour cent
hommes, sans compter les matelots. Mais, pendant que la commission
inspectrice achevait sa visite par les mots sacramentels: _All right!_
le dernier convoi du chemin de fer de la Flandre amena encore une
cinquantaine de chercheurs d'or, tous Francais, des environs de Lille et
de Douai, qui furent conduits a
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