t que d'aspirer aux jouissances offertes et retirees sans
cesse par la societe aux pauvres, comme l'eau a la soif de Tantale.
Aussi, lorsqu'il rentrait dans sa mansarde obscure et delabree, et qu'il
trouvait Marthe froide et pale, assoupie de fatigue aupres d'un
feu eteint, il eprouvait un malaise ou le remords et le depit se
combattaient douloureusement. Alors, a la moindre occasion, l'orage
recommencait; et Marthe, n'esperant pas guerir d'une passion aussi
funeste, desirait et appelait la mort avec energie.
Dans ces sortes de secrets domestiques, des qu'on a laisse tomber le
premier voile on eprouve de part et d'autre le besoin d'invoquer le
jugement d'un tiers; on le recherche, tantot comme un confident, tantot
comme un arbitre. Laraviniere fut mediateur dans les commencements. Il
etait fache de se sentir entraine a prendre part dans la querelle, et
il avouait a Arsene que, malgre ses resolutions de neutralite, il etait
oblige de contracter avec Horace une sorte d'amitie. En effet, ce
dernier lui temoignait une confiance et lui prouvait souvent une
generosite de coeur qui l'engageait de plus en plus. Horace avait, en
depit de tous ses defauts, des qualites seduisantes; il etait aussi
prompt a se radoucir qu'il l'etait a s'emporter. Une parole sage
trouvait toujours le chemin de sa raison; une parole affectueuse
trouvait encore plus vite celui de son coeur. Au milieu d'un debordement
inoui d'orgueil et de vanite, il revenait tout a coup a un repentir
modeste et ingenu. Enfin, il offrait tour a tour le spectacle des
dispositions et des instincts les plus contraires, et la dispute
que nous avons rapportee en gros ci-dessus resume toutes celles qui
suivirent, et que Laraviniere fut appele a terminer.
Cependant, lorsque ces disputes se furent renouvelees un certain nombre
de fois, Laraviniere, obeissant, ainsi qu'Arsene le lui avait
conseille, a la spontaneite de ses impressions, se sentit porte a moins
d'indulgence envers Horace. Il y a, dans le retour frequent d'un meme
tort, quelque chose qui l'aggrave et qui lasse la patience des ames
justes. Peu a peu Laraviniere fut tellement fatigue de la facilite
avec laquelle Horace s'accusait lui-meme et demandait pardon, que son
admiration pour cette facilite se changea en une sorte de mepris. Il
arriva enfin a ne voir en lui qu'un hableur sentimental, et a sentir sa
conscience degagee de cette affection dont il n'avait pu se defendre.
Cet arret definitif etait bien severe
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