il etait sur que je n'aurais pas pu tenir
contre des pleurs, les premiers qu'elle eut verses devant moi. Je savais
tres bien ce que je faisais, n'est-ce pas? Ses genoux ployaient, ses
mains s'accrochaient a moi; son visage a la renverse devint pourpre,
puis d'une paleur qui semblait verte a la lueur de la torche; je serrais
toujours: je guettais, vous savez, cette tranquille beaute des morts qui
s'etale tout d'un coup. Enfin ses yeux me regarderent gais et brillants
comme a travers du cristal; un froncement de ses levres decouvrit la
pointe des dents comme pour sourire; c'etait fait... Je la laissai
retomber.
--"Tu es fou!..."
"Sa derniere parole me poursuivait. Je me mis a causer, pour ainsi dire,
avec la morte.
--"Parbleu, oui, je suis fou!... lui repondais-je, je me sens comme
ivre... On dirait que le diable m'entraine a des extravagances."
"J'allais, je venais, mais pourquoi? Un moment, dans l'atelier,
j'excitai le feu comme si j'avais eu besoin de travailler; je tournai et
retournai dans les braises une tige de fer qui finit par blanchir, puis
je me retrouvai pres du cadavre, brandissant cette barre qui chassait
des etincelles... Voyons, qu'est-ce que je veux? me demandai-je... Je
cherchais... Ah! le diable souffla l'idee:
--"Oui, oui, je suis fou!... tu dis vrai. Attends, ma belle, attends!"
"Et je lui plongeai le fer encore rouge dans la gorge; le sang brulait
et ne se repandait pas; c'est ce qu'il fallait. Ah! tonnerre! Il n'y
avait plus qu'a aller ainsi jusqu'au bout. Je marchais, je trimais comme
un ouvrier aux pieces; le fer redevenait toujours rouge et s'abattait
sur les epaules, les coudes, les aines, les genoux; plus de muscles,
plus de nerfs! Bon! la hache, maintenant! Je frappai a la volee; en
un instant les membres etaient epars; j'empilai le tout dans le grand
coffre au charbon. Et puis quoi? L'indecision me reprenait. Faut-il
bruler? Faut-il trainer au canal?
"Alors je jetai un cri: la tete, oubliee par terre, me reluquait...,
elle souriait bien plus que tout a l'heure.
--"Tu es fou!..."
"Le mot restait dessine sur ses levres.
--"Merci! je l'oubliais vraiment, merci! ma toute belle! tu m'apprends
ce qui reste a faire."
"Et c'etait vrai; le plan surgissait en bloc dans mon cerveau; tout
etait regle d'avance, je n'avais plus qu'a remuer comme une machine.
J'ouvris un tiroir et je fourrai dans ma poche un peu d'or et quelques
bijoux de la trepassee. Je posai la caboche sur la tab
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